Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 juillet 2011 4 21 /07 /juillet /2011 10:57

Pierre Bayard


Minuit( Paradoxe) 2010. 152 pages.

 

Le thème favori de Pierre Bayard, celui que l’on trouve déjà dans «  Comment parler des livres que l’on n’a pas lus », c’et que la lecture d’une œuvre littéraire n’est jamais objective, qu’elle se contente de répéter quelques clichés déjà connus antérieurement sur le texte en question, lecture plus ou moins nuancée par des éléments neuf  apportés par le contact avec l’œuvre. Pour lui, on n’entre pas vraiment dans le texte, on ne l’aborde pas sans préjugés, on l’accommode aussi de fantasmes personnels. C’est  pour cela qu’il était plus simple de parler d’une œuvre que l’on n’avait pas lue, vu que la lecture ne faisait que compliquer les choses.

Dans chaque nouveau livre, Bayard tâche de contourner l’obstacle qui empêche la lecture vraie d’une œuvre. A chaque fois, il trouve un obstacle différent. Ici l’obstacle, c’est l’auteur lui-même.

L’auteur, ou plutôt l’idée que l’on s’en fait, d’après ce que l’on a appris sur lui.

 

 » la plupart des des critiques littéraires échangent l’auteur réel contre un auteur imaginaire qui est le produit à la fois de ses rêveries et de son souci de théorisation … ce que nous imaginons de l’auteur nous interdit l’accès à l’écrivain et , ce qui est beaucoup plus grave, à son œuvre ».

Les structuralistes ne voulaient plus tenir compte de l’auteur, et bannissaient toute biographie, voulant tendre vers des lectures inspirées de la linguistique de l’intertextualité et du contexte socio-historique.  Les œuvres s’interprétaient les unes par rapport aux autres.

 

Pierre Bayard réinterroge la notion d’auteur ( ce qu’il fit  déjà dans « Le plagiat par anticipation ») d’une façon ludique, proposant un nouveau « jeu » à chaque fois, pour assouplir la rigidité attachée aux préjugés littéraires , et montrer l’incertitude

Il s’agira donc ici de lire les œuvres en faisant come si elles avaient été écrites par d’autres auteurs.

L’idée n’est pas neuve, Bayard la tient de Borges, et il ne s’en cache pas. Pour l’auteur du « Palgiat par anticipation » il n’y a rien de neuf, mais il peut y avoir de nouvelles manières de dire, qui changent les donnes , ou entraînent d’autres questions.

 

«  Décider de faire d’un auteur une métaphore active en lui attribuant les œuvres d’un autre permet d’abord d’aller beaucoup plus loin dans la perception et la représentation des points communs entre les deux auteurs ».

 


Les premier chapitres vont examiner des attributions déjà imaginées par d’autres commentateurs : ce serait une femme écrivain qui aurait écrit l’Odyssée ( hypothèse émise par Samuel Butler, écrivain anglais un peu oublié), attendu que dans l’Odyssée , ce sont les portraits et agissements de femmes qui  dominent l’action.  Raymond Queneau disait déjà qu’il n’y avait que deux sortes de récit, l’épopée (construit sur le modèle de l’Iliade) et le roman ( construit sur le modèle de l’Odyssée). Le roman serait-il donc  inventé par les femmes ?

On va aussi relire les pièces de Shakespeare comme si l’auteur en était Edouard de Vere, aristocrate lettré, cité plusieurs fois comme possible auteur de certaines pièces de ce Shakespeare dont on sait peu de choses, dont on croit savoir qu’il ne savait pas assez de latin de grec et d’histoire pour avoir écrit autant de bonne littérature. ..

Pierre Bayard a déjà écrit un livre sur Hamlet. Si vous l’avez lu, vous savez déjà que pour lui, Claudius n’est pas l’assassin du papa…

Vous n’allez donc pas vous étonner de cette nouvelle fantaisie shakespearienne.

Pour ce qui est du Dom Juan œuvre supposée de Corneille, j’avoue que je n’ai pas été surprise par la lecture proposée par Bayard d’un Dom Juan tragique, connue depuis longtemps. Mais la confrontation entre Corneille et Molière est intéressante.

 

L’Etranger par Kafka ?

Nous sommes dans l’univers de la Faute. Meursault est coupable et accusé dès le départ par la société tout d’abord, et petit à petit il va adhérer à cette culpabilité jusqu’à commettre un vrai meurtre  afin de pouvoir être jugé et même mis à mort. Tout cela parce qu’il n’a pas intériorisé cette culpabilité , et ne sait pas de quoi il est coupable . la société, elle, le sait, et le fait savoir au lecteur : il enterre sa mère sans émotion, il profite de son amie Marie mais ne l’aime pas, il n’aime pas son travail et refuse de monter dans la hiérarchie…

Pour l’Etranger, je ne l’ai jamais lu comme s’il était de Camus ou de Kafka ; j’ai l’impression de l’avoir écrit moi-même il y a très longtemps. Inutile de me demander ce qu’en dit Bayard ; je ne peux pas  le savoir…

En revanche, Autant en emporte le vent écrit par Tolstoï vaut le déplacement, ainsi que le Cri peint par Schumann.

Un jeu qui peut paraître déconcertant, des chapitres inégaux ( je préfère le premier et les deux derniers) mais dans l’ensemble, de l’humour, des idées, un réel amour de la littérature. Avec Pierre Bayard, on est toujours en bonne compagnie.

 

 

  Un article à lire sur La République des livres

Partager cet article
Repost0
10 juin 2011 5 10 /06 /juin /2011 23:06

Alberto Manguel le livre d'imagesAlberto Manguel «  Le Livre d’images »  Actes sud,2001.

Reading Pictures: history of love and hate

 

 

 

 

Ce titre a une connotation volontairement enfantine (l’enfant et son livre d’image). Manguel veut rester proche du plaisir de contempler les images, que l'adulte doit conserver. Dans l'incipit il se souvient, enfant, d’avoir admiré le tableau de Van Gogh Barques sur la plage de Sainte-Marie, et il fut pour la première fois fasciné par un tableau «  la plage multicolore de Van Gogh ».

Ce n’est pas la première fois qu’il parle de cette peinture ; ailleurs il nous parlera de l’effet de symétrie des  barques , ici dans ce chapitre « l’image-récit « , il place la peinture dans une optique résolument narrative; tout tableau suscite une histoire à raconter.  Tout  au moins pour celui qu'il appelle " le spectateur ordinaire" , soit une première approche des oeuvres d'art

Cette histoire est faite à la fois du contexte dans lequel le tableau a été peint( pour Van-Gogh évocation de son contact avec la méditerranée du pèlerinage des Gitans à Sainte-Marie, du nom d’une des barques, d’événements dramatiques…) et sa propre réaction face au tableau dans une optique autobiographique.  Les deux conjugués nous font imaginer quelque histoire à partir du tableau.

 

 

van gogh barque plage l

J’aime aussi le chapitre “ L’Image-connivence” .Manguel y explique commennt l'on peut peindre une personne ou un objet qui nous représente, sans que ce soit le moins du monde un autoportrait. On s’attache aux personnages de Gonçalvès, l’homme lettré et poilu comme un singe, à sa famille, notamment Tognina( on peut les voir au Kunsthistorisches Muséum de Vienne et à la National Bibliothek (pas demain la veille pour moi ! )  et aux portraits qu’en fit Lavinia Fontana, être d’exception comme elle, puisque femme et peintre au dix-septième siècle.

 

Laviania Fontana autoportrait

      Tonigna Gonçalves

Portrait-of-Antonietta GonçalvesLavinia Fontana autoprotrait

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans l’Image-absence Manguel tente de saisir le sens que l’on peut donner aux tableaux qui ne veulent plus représenter des objets  identifiables. C’est à  partir de Joan Mitchell et de ses deux pianos qu’il réfléchit à la problématiques de art cet de l’irreprésentable, mais aussi de l’œuvre de Jackson Pollock.  «  Le mot empêche le silence de parler » disait Beckett.

joanmitchell1

Le refus de représenter des personnes vivantes remonte « à la tradition des philosophes iconoclastes du VIIIème siècle . Les premiers chrétiens avaient hérité de la méfiance des Juifs envers les représentations de sujets vivants, même s’ils ont continué, suivant la tradition romaine à décorer d’images religieuses les catacombes et les tombes.

Joan Mitchell partage le credo artistique de Pollock , en gros,  ne pas dépeindre ce qui ne peut être dépeint, garder aux perceptions de qu’elle ont d’incommunicables, travailler hors langage.

Cependant dans cette absence, où dans ce peu de représentation ( dans les Deux pianos, il y a déjà ou encore des traces de piano…) Manguel voit bien des choses : la symbolique de couleurs qui est un langage, le contexte dans lequel le tableau fut peint, le titre du tableau, et  il fait vivre pour nous ces œuvres à sa manière, en retraçant la vie et les conversations des artistes entre eux.


Inversement à l’image qui se veut  pure peinture, sans signification( avec Manguel c’est raté !) les artistes du seizième siècle au Pays-Bas , tel Robert Campin, conçurent des compositions chargées de significations  telle cette Vierge à l’enfant  dans laquelle tous les éléments sont porteurs de snes cachés.

 

Robert Campin1

 

C’est l’occasion pour Manguel de nous faire un remarquable historique des représentations des vierges à l’enfant à travers les siècles jusqu’à celle humoristique de Max Ernst La vierge châtiant l’enfant devant témoins.

 

 

Ernst-vierge

Les variations de Manguel sur l’image sont au nombre de douze.  J’ai aimé toutes ces variations, qui nous font voyager dans l’histoire de l’art, comme dans la littérature de laquelle Manguel ne s’éloigne jamais, avec érudition et dans un langage simple, mais jamais simpliste. Il  nous rend  les artistes et leurs œuvres vivantes et  proches de nous, et y mêle comme il le fait toujours des souvenirs autobiographiques en rapport avec son propos.

 

Certains chapitres sont moins pertinents le dernier sur Le Caravage ( l'Image-théâtre) est plutôt moins bon que ce que j’ai lu avant sur lui. 

 

 

L'ensemble est néanmoinsà lire et à relire!!!

 

 

 

Partager cet article
Repost0
12 mai 2011 4 12 /05 /mai /2011 23:21

 

Essais sur le quotidien Tzvetan Todorov «  Eloge du quotidien », essai  sur la peinture hollandaise au 17eme siècle

 

 

 

 

  L'auteur étudie la naissance et l'épanouissement de la" peinture de genre" au 17eme siècle, et qui fut portée à son apogée par les peintres hollandais.

l'invention de la scène de genre proprement dite ( ainsi que d'autres conceptions telles que la nature morte, le paysage, le portrait) témoigne d'un affranchissement vis-à vis du religieux  qui est l'indice d'un vrai progrès de l'esprit humain. les hollandais n'ont pas inventé le poisson dans le plat mais le fait que ce ne soient plus les apôtres qui le consomment mais des citoyens ordinaires,  remarquait Malraux.

Dès le seizième siècle, on voit d'ailleurs que les scènes religieuses se transforment : la vierge est souvent représentée dans une belle salle cossue avec feu de bois; elle est richement vêtue, l'enfant de même. Sa coupe de cheveux est travaillée. Elle se livre à des travaux  quotidiens. Saint jérôme est de moins en moins souvent dans le désert. Il arrive parfois qu'il médite dans un bureau confortable... ce ne sont là que des prémices.

La religion se transforme. Avec le luthéranisme, elle acquiert une certaine dose de laïcité. Des peintres tels que Cranach changent de sujet : des scènes morales et quotidiennes en même temps apparaissent comme sujets de tableaux.

 

Mais l'épanouissement de cette peinture c'est selon Todorov, l'absence de sujet. On va représenter des citoyens ordinaires dans leur vie de tous les jours occupés à des tâches ou à des plaisirs ( les scènes d'auberge, fêtes et réceptions ne sont pas en reste).

 

En outre les peintresveulent montrer la prospérité de cette société qui jouit de privilèges tels que la bonne marche du commerce, l'élévation du niveau de vie, tout ce qu'autorise une assez longue période de paix.

 

 

Cette société là, dit Todorov, prévilégie les représentations d'activités dévolues traditionnellement aux femmes. Scènes domestiques, travaux d'aiguille, lecture, cuisine, conversation, musique, repas pris en commun, relations sexuelles plaisantes, nombreuses présences d'enfants et d'animaux domestiques.

 

Les scènes violentes telles que la chasse, le viol, et dures telles que les travaux des champs en sont exclues. Restent tout de même les rixes d'auberge.

 

  Pour Todorov,tout cela signifie que cette société sait jouir de la vie, et montrer la beauté des gestes les plus élémentaires. Ce que nous ne savons plus faire actuellement.

 

Il va plus loin cependant, et interprète les significations cachées de certains tableaux.

 

Certains tableaux font l’objet d’une classification intéressante.  Notamment les tableaux de « scène de lettres », scènes d’auberge, des tableaux avec des personnages en action qui veulent dire autre chose que leur titre et dont les apparences sont trompeuses.

 

 

 

  La buveusePieter de Hooch 

Pieter-de-Hooch-La-Buveuse.jpg

 


Van-Mieris-le-petit-chien.jpg

 

Le petit chien Franck Mieri

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Gabriel Metsu 002 Gabriel Metsu l'enfant malade

 

Gabriel Metsu - Man Writing a Letter

 

 

Gabriel Metsu femme écrivant une lettre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  Gerard Dou femme accrochant un coq à sa fenêtre

 

Gerard Dou femme accrochant un coq à la fenêtre : elle l'a eu celui là!

 

 

Gerard Ter Borch Le Concert avec joueur de luth théorbé

 

Gerard Ter Borch le Concert avec joueur de luth théorbé

 

 

 

 

 

 

Des peintres tels que Gerhardt Ter Borch, et Pieter de Hooch, que je connaissais seulement de nom ou pour avoir vaguement jeté un coup d’œil sur un tableau dans quelque musée, prennent soudain un relief inattendu.

«  De Hooch est le premier à peindre le dehors comme s’il s’agissait d’un dedans »

Il choisit pour cela un espace intermédiaire : la cour »

 

Vermeer peignait en transcendant le sujet (jeune fille à la perle)  c’est pourquoi il est moderne.

 

 


 

Plus qu'un ouvrage sur une période de l'histoire de l'art, c'est aussi l'esquisse d'une philosophie de la vie.

 

 

 



Partager cet article
Repost0
26 janvier 2011 3 26 /01 /janvier /2011 16:51

la littérautre française au présent

Bordas, 2008, nouvelle édition augmentée, 524 pages.

 

 

Ouais, la littérature française contemporaine !

Pourquoi pas ?

 

 

Ce livre mi essai-mi documentaire, concerne  la période de 1980 à nos jours, et se divise deux  parties.

La première «  le renouvellement des questions » étudie comment la littérature a survécu à ce que les auteurs appellent le «  structuralisme » de la  génération précédente. 

Ces auteurs qui privilégiaient les analyses formelles, proscrivaient l’autobiographie, la fiction, le personnage (L’être de papier…vous avez peut-être lu  L’ère du Soupçon de Sarraute ?)ont été les premiers à se tourner vers ce qu’ils avaient  récusé, Roland Barthes par exemple avec  son Barthe par lui-même.

La fiction se renouvelle en multipliant les « écritures de soi » depuis l’autofiction ( un genre  qui se déploie dans la dérision de l’autobiographie) jusqu’aux journaux et carnets intimes.

Les auteurs se penchent sur divers choix d'expression, de l’écriture  volontairement « plate » d’Annie Ernaux,  à celle sobre et incantatoire de Marguerite Duras et l’Amant, le récit autobiographique à expressions multiples le Grand incendie de Londres de Roubaud, ou encore l’œuvre de Michel Leiris, ou Enfance de Sarraute.

Les auteurs notent que l’écriture de soi privilégie, comme autrefois, le deuil comme expérience limite à mettre en mots, mais que de nombreux auteurs préfèrent  dire la mort d’un enfant plutôt que la mort du père. «  La mort de l’enfant fit référence, parce qu’elle possède le caractère déterminant du non-accompli. »


 Les meilleurs de ces écrivains sont ( à mon avis) ceux qui ne sombrent pas dans l’autodérision comme Doubrovsky.

On examine ensuite les récits d’histoire particulièrement ceux qui  se centrent sur les deux principales guerres mondiales du vingtième siècle. Les auteurs opposent l’écriture sèche et pudique de Modiano à la grande générosité textuelle et métaphorique de Claude Simon.

A la suite des engagements politiques extrémistes des années  60 ou 70 ont succédé des processus d’engagement plus  proches du réel : description de la vie en usine, de toute sorte d’existences difficiles, à la recherche d’une démarche raisonnée, proche de l’expérience humaine, sans héroïsme ni personnage d’exception. Sont particulièrement cités François Bon et Leslie Kaplan.

 

Dans la seconde partie «  Evolution des genres, le conflit des esthétiques « , ils prennent en compte

les écrivains qui se veulent chroniqueurs de leur  temps, avec le risque de devenir simplement médiatiques, de se laisser porter par une masse de symboles extérieurs tenant du cliché.

 

Les auteurs montrent que le roman traditionnel survit tel quel, avec son rayonnement romanesque et ses personnages( Le Clézio, D’Ormesson) et  survit aussi sous d’autres formes, dépouillé de toute substance romanesque, des expériences qui peuvent s’avérer originales ou  marquées par la dérision. Ici, sont étudiés les auteurs « Minuit ». Les lecteurs du blog savent que j’en lis quelques uns ( Marie N’Diaye,  JP Toussaint  de temps à autre, Laurent Mauvignier...). Avec plusieurs autres  j’ai séché désespérément … toutefois Vercier et Lecarme donnent envie d’essayer Chevillard.

L’étude des écrivains cinéastes, et photographes ne manque pas d’intérêt, non plus que l’article consacré au roman policier, ni le chapitre sur la littérature de voyage.

Les deux derniers chapitres sont consacrés à la poésie et au théâtre.

Bref un inventaire assez complet qui donne envie de lire certains auteurs que je n’ai pas encore lus ( Modiano et Claude Simon déjà cités) ou encore René-Louis des Forêts, et même Amélie Nothomb que nos auteurs réussissent à rendre intéressante.  Ils ne m’ont pas convaincus de relire Houellebec ou Angot dont je déplore la présence dans un ouvrage qui pourtant comporte de bonnes analyses.

De bons écrivains volontairement oubliés ? Il y en a bien sûr, notamment Nancy Huston, dont l’œuvre s’inscrit très exactement dans cette portion de temps ( de 1980 à 2008) et dont les œuvres sont très concernées par les diverses sensibilités ambiantes. Elle a aussi écrit des essais.

Autre auteur « oubliée « que j’aime beaucoup, Chantal Thomas, essayiste ( si je n’ai pas chroniqué ses essais j’ai eu tort…) et romancière ( Les Adieux à la reine, dernièrement le Testament d’olympe).

Au total, nos auteurs revendiquent une littérature plus ou moins expérimentale dans ses formes. Ils critiquent la lecture dite "concertante" qui consiste à chercher dans un livre de quoi se conforter dans ses habitudes et ses plaisirs. Leur propos est quelque peu "militant".

Personnellement, je ne peux leur donner tort... et pas vraiment raison non plus!

Partager cet article
Repost0
23 avril 2010 5 23 /04 /avril /2010 15:05

le quai de Ouistreham

 

 

 

L’Olivier, 2010.

Plusieurs mois durant la journaliste Florence Aubenas a enquêté à Caen, pour nous faire connaître les conditions du travail précaire et du chômage, dans une région sinistrée. La Saviem une grosse usine du coin, 6000 ouvriers à la chaîne pour les camions Renault n’a cessé de licencier du monde depuis les années 60. Les luttes sociales y ont été fortes mais actuellement l’activité y est tout de même très réduite. Il y avait aussi la SMN ( société métallurgique de Normandie) Jager, Citroën, la Radiotechnique, Blaupunkt. Toutes ces sociétés ont fermé l’une après l’autre, Moulinex la dernière en 2001.

 

Elle s’est fait passer pour une « précaire » afin de mieux observer la situation. Elle  a prétendu devoir chercher du travail après que son compagnon l’ait quitté au bout de vingt ans de  bons et loyaux services de femme au foyer. Elle se présente donc comme sans qualification, et l’ANPE estime qu’elle ne peut faire que des ménages. Des heures de ménage, pas un vrai travail. Et encore, bientôt ce ne sera plus possible, car un baccalauréat option arts ménagers va bientôt se mettre en place.

 

 

 

1er chapitre : Florence Aubenas a obtenu un entretien dans une famille de la classe moyenne qui cherche une gouvernante. Une gouvernante pour tenir compagnie à l’épouse, lui faire les courses, cuisiner lorsqu’elle n’en a pas envie. Tenir compagnie au mari qui espère une nouvelle maîtresse, faire le lit de la fille de 34 ans qui vit encore avec eux, bien que travaillant et dont la chambre ressemble à celle d’une adolescente…

C’était bien parti pour une nouvelle version du Journal d’une Femme de chambre !

Mais Florence Aubenas n’a pas voulu d’une telle place.

 

Ensuite, le bureau d’aide à l’emploi, le Pôle-emploi. On y répète tout le temps que « vous avez des droits mais aussi des devoirs. Vous pouvez être radiés ».

Florence Aubenas a suivi un stage de » propreté », refait son CV un million de fois, s’est fait embaucher quelques heures ici et là à nettoyer des ferries boat, des mobil home, des bureaux, à un train d’enfer, sans avoir le temps de déjeuner, payée très en dessous du smic horaire.

Rien ne nous étonne vraiment dans ces témoignages, on savait plus ou moins tout ce que vivent les «  précaires » . Beaucoup de ces personnes (presque toutes des femmes) vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Les femmes de service sont méprisées, ne sont que le prolongement de leur aspirateur.

 

On est toutefois ulcéré de voir de quelle façon les femmes sont traitées par les travailleurs de gauche censés être progressistes.

Deux femmes syndiquées autrefois à la CGT, racontent à quel point les hommes du syndicat les traitaient mal, comme des bobones.

 

Le chapitre 10 «  Le Syndicat » nous éclaire sur ce point. 

«  Victoria et Fanfan avaient crée la section des précaires qui devait réunoir la masse montante des travailleurs aux emplois éclatés, les employés d’hypermarché, les intérimaires, les femmes de ménage,  ou les sous-traitants. Le syndicalisme n’était pas une affaire facile dans ce monde d’homme, organisé autour des grosses sections, les métallos, les chantiers navals, les PTT. Pour parler d’eux-mêmes, ils proclamaient «  Nous on est les bastions ».Les reste ne comptait pas. Dans les manifestations, certains avaient honte d’être vus à côté des caissières de Continent ou des femmes avec un balai. C’était leur grève à eux , leur marche à eux, leur banderoles à eux, leur syndicat à eux…. Les gars se marraient quand des précaires prenaient la parole. Victoria avait l’impression de ne pas vivre leur belle lutte de classe … Il faut un intellectuel pour représenter dignement le syndicat, disent les permanents On ne peut quand même pas envoyer une caissière ou une femme de ménage aux réunions».

 

L’hypermarché où ces femmes syndiquées travaillaient les a davantage prises au sérieux, en les virant de leur emploi. Le syndicat ne les a pas soutenues. Pour toute aide, les responsables  leur ont proposé… de nettoyer les  locaux du syndicat pour quelques deniers !

J’ai beaucoup aimé les témoignages de ces deux femmes retraitées, qui ont participé à toutes les luttes sociales, contraintes de lutter aussi contre les hommes et leur conduites inqualifiables.

 

 

 

Dans l’ensemble, ce témoignage est intéressant, même s’il a ses limites, en ce sens qu'il ne ne nous apprend rien de neuf. Peut-être que l'anecdote prime trop souvent sur l' analyse politique.

 

On ne parlera jamais  assez de la vie des travailleurs précaires, de ces millions de français que l’on cherche à exclure de plus en plus de la société.

Partager cet article
Repost0
28 mars 2010 7 28 /03 /mars /2010 23:40

comprendre les symboles en peintureLe Chêne 2007, 297 pages.

 

63 illustrations en couleurs, avec des gros plans sur deux pages pour désigner un détail que l’auteur a commenté précédemment.

 

Dans l’espoir de susciter le désir, chez l’amateur d’art novice, de dépasser le « j’aime, j’aime pas », L’auteur a sélectionné vingt symboles couramment représentés dans les tableaux de peinture de toutes les époques, dans la limite des productions du monde occidental. Vingt symboles dont dix concernent des objets naturels ( soleil, lune, végétaux, animaux) et dix des objets fabriqués ( le miroir, le masque, la fenêtre , le livre bien sûr…) .

 

Elle  commente les œuvres à partir de la place que tiennent les symboles dans des tableaux choisis à des époques différentes 

Pour chaque réflexion, elle sélectionne au moins trois œuvres :  d’ une période où l’art était dominé par le  religieux et les scènes bibliques, d’ une période transitoire où le symbole a davantage rapport avec la vie quotidienne, la politique, l’histoire, des rituels païens, et le vingtième siècle où le symbole existe toujours, manifestant à l’égard des schémas religieux d’antan, des positions fort différentes .

 

A la fin du chapitre nous avons deux pages de « repères » dans lesquelles l’auteur nous livre une somme  importantes d’informations supplémentaires (historiques esthétiques mythologiques…) sur le symbole en question. Des informations tellement essentielles que l’on a envie de tout noter !

 

Les textes de l’auteur sur les œuvres sont souvent nimbés d’émerveillement. Vis-à vis des œuvres profanes, son propos se soutient d’un  lyrisme soutenu.

 

Si les textes concernant les œuvres religieuses peuvent paraître quelquefois convenus, ceux qui commentent les œuvres plus modernes sont toujours plaisants et plein d’intelligence.

 

 

 

Exemple pour Robert Delaunay «  une Fenêtre » ( le symbole retenu est justement la fenêtre)


«  la Lumière irisée qui joue sur la surface de la vitre y répand sa chaleur à dominante jaune, acidulée de vert. Avec un faux air d’hiver, un givre blanchâtre traîne par endroits, s’étend sur la toile traversée d’amples courbes : ce ne sont que les pans des voilages retroussés de chaque côté comme des jupons de demoiselle. Ils enchantent la fenêtre et l’habillent d’un rien translucide…. »

  La Fenêtre

 

Cette lecture d’un tableau cubiste qui heurte souvent le novice, ne peut que relancer l’intérêt face à une étape de l’art pictural restée souvent mal comprise et jugée dépassée.

 

Par rapport à cette  même œuvre, Françoise Barbe-Gall souligne «  les couleurs qui l’imprègnent lui donnent une épaisseur de vitrail ».

 

Selon elle le symbole ne cesse jamais complètement d’être en rapport avec la tradition judéo-chrétienne, même si «  la fenêtre ne compte plus que sur elle-même et congédie le paysage comme un vieux décor à demi-effacé ». La volonté toute moderne (dans l’esprit du vingtième siècle) que les objets et les couleurs s’imposent d’eux-mêmes est présente, mais ne congédie pas la représentation.

« La lumière se donne en spectacle. C’est une fête. le monde est un kaléidoscope et le tableau s’y est engouffré »

Voilà qui nous rappelle un texte de Baudelaire «  le mauvais vitrier »(in Petits poèmes en prose ») dans lequel le poète se plaint de l’ouvrier qui nous offre des fenêtres transparentes par lesquelles on ne voit rien d’autre que la banalité de la vie quotidienne…. le tableau interprété par Françoise Barbe-Gall, fait de Robert Delaunay un bon vitrier, un artiste enchanteur.

 

 

Pour  toutes les œuvres du vingtième siècle, Françoise Barbe-Gall  va interpréter le symbole dont elle parle, comme se référent au domaine religieux et même philosophique.

Par exemple, commentant le symbole du « voile » dans «  Concetto spaziale-Attese » de Lucio Fontana «  une toile bise fendue en son centre. Deux coupures courent l’une au-dessus de l’autre au long de l’axe vertical du tableau … l’œuvre qui ne représente rien, retrouve le sens du voile de Véronique ».


lucio fontan concetto spaziale asetto 1958

 

Je ne vais pas tout citer, mais le tableau, à priori difficile,  va très vite avoir pour nous une signification essentielle…  et nous allons nous demander à quel point Lucio Fontana y aurait souscrit. Une investigation sur ce peintre nous paraît dès lors incontournable.

 

 

 

Pour Magritte ( Œuvre «  la Méditation » symbole «  les Lampes et les bougies »)

 

 «  les bougies qui s’enfuient ont libéré les petits serpents tentateurs ; c’est leur sinuosité qui les guide. Et elles, toutes joyeuses, redessinent dans leur escapades la fatalité du péché ». 

magritte17


 

 

 

 

Le premier tableau commenté à propos de la Fenêtre «  Tobie rendant la vue à son père «  de Rembrandt «  est choisi judicieusement lui aussi ! 

Rembrandt

 

Parce que l’histoire de Tobie n’est pas ce que l’amateur d’art novice connaît de mieux dans l’Ancien Testament.  «  Rembrandt se garde de préciser où se passe l’histoire, le spectateur embrouillé dans les chapitres de sa Bible sera contraint lui-aussi d’avancer à tâtons… »

Françoise Barbe-Gall, elle non plus, ne raconte pas l’histoire, elle suscite l’intérêt du lecteur, ce qui est vraiment subtil.

 

 

Les deux autres tableaux présentés dans le chapitre «  la Fenêtre », ( des œuvres de Friedrich et Bonnard) sont d’ordinaire appréciés d’emblée  par le spectateur moyen , mais qu’il se plonge dans les commentaires de l’auteur, il verra tout de même ces œuvres d’une tout autre façon....!

 

On peut s’interroger sur le choix des symboles : pourquoi la Fenêtre plutôt que la Porte par exemple ? La porte nous paraît tout aussi porteuse de symboles. Je dirais que la Fenêtre génère plus de fantasmes, ouvre davantage sur l’imaginaire… mais ceci est une remarque  subsidiaire.

Dans l'ensemble, cet ouvrage apporte autant de réponses qu'il suscite de nouvelles questions, et par là, se révèle très enrichissant intellectuellement.

 

L'ouvrage précédent de Françoise Barbe-Gall " Comment  regarder un tableau" a été chroniqué par

 

Dominique   c'est ce qui m'a donné envie de lire celui-là

Partager cet article
Repost0
16 février 2010 2 16 /02 /février /2010 00:40
Freud Moïse

rédaction 1934-39


Ce sera le dernier livre de Freud publié de son vivant ; trois essais sur Moïse et la religion monothéiste.

Dans sa correspondance avec Arnold Zweig Freud dit s'être remis à ce travail sur Moïse, qu'il avait commencé bien plus tôt. En 1934, il s'interroge sur la montée du nazisme en Allemagne, et se demande «  qu'ont bien pu faire les juifs pour s'attirer une haine éternelle? » 

Cette question, en fera surgir d'autres contenues dans ce travail. Comment le monothéisme est-il né et de quoi? Comment s'est constitué le peuple juif ?

D'où cette première interrogation sur Moïse, prophète et chef premier de ce peuple selon la Bible.

Freud a déjà médité sur la statue de Moïse ( le Moïse de Michel Ange ) oeuvre qui l'a fasciné.

 

Il reprend certaines hypothèses d'historiens selon lesquelles Moïse est un nom d'origine égyptienne.

Le mythe de la naissance du héros ne se soutient pas si l'on pose un Moïse juif. Les héros sont des enfants trouvés dont la naissance noble est révélée plus tard.

Or si Moïse a une origine noble, c'est qu'il est égyptien et de la cour du pharaon...

 

Freud relate l'histoire du pharaon Amenothep de la 18 ème dynastie, qui fit instaurer une religion monthéiste en Egypte pendant son règne. Il ne voulait révérer qu'un seul dieu ( solaire) qu'il nomme Aton ( et se renomme lui-même Akhenaton), supprime du culte tout rituel magique, ainsi que tout ce qui touche à la vie après la mort ( si importante dans la religion égyptienne). Cette religion monothéiste est bannie après la mort du pharaon, et le monarque suivant reprend l'ancien culte.

L'héritier des idées d'Akhenaton, est supposément ce Moïse, homme de l'entourage d'Akhenaton, converti à ses idées, qui, après la mort de celui-ci, se trouve exclu. Il s'adresse à une tribu juive, soumise à l'esclavage, la libère, et s'instaure son chef pour y diffuser sa religion monothéiste et ses rituels particuliers dont la circoncision ( spécialité égyptienne aussi).

Moïse ayant été jugé trop sévère, le peuple juif s'en débarrasse ( meurtre du père déjà décrit dans Totem et Tabou), et émigre à Cadès , vers la frontière arabe, où vit une autre tribu juive, qui honore Yavhé ( dieu des volcans). Cette religion est païenne ( Yavhé est proche de Jupiter étymologiquement) et les nouveaux arrivants se mettent ) la pratiquer avec les anciens.

Cependant leur passé monothéiste n'est que refoulé ( Freud se sert ici de ses théories sur l'origine des névroses et la formation de symptômes élaborés dans d'autres oeuvres de lui) et refera surface; les descendants de ceux qui tuèrent Moïse sont marqués de culpabilité. Après une longue période de latence, le monothéisme de leur ancêtre( la loi mosaïque) triomphera, retour partiel du passé refoulé... jusqu'à  l'invention par Paul du "péché originel", de la rédemption, et  l'instauration du christianisme....

 

Il est intéressant de remarquer que le judaïsme vient d'ailleurs, que le chef Moïse était un étranger, que les tribus juives ont commencé par adhérer à des religions païennes.

C'est avec passion que l'on suit avec Freud les destinées du peuple juif.

Partager cet article
Repost0
12 octobre 2009 1 12 /10 /octobre /2009 23:28

41J0F6E7D0L.-AA240-.jpg

Michel Onfray croit –en toute naïveté semble t'il- que l’être humain puisse être réellement athée. Il se pose lui-même comme tel. Rares sont, il le dit lui-même, les penseurs qui ont véritablement misé sur l’athéisme ; y compris ceux qui ont été condamnés pour cela : Spinoza par exemple.

 

« Je désespère [ que les croyants] préfèrent les fictions apaisantes des enfants aux certitudes cruelles des adultes. Plutôt la foi qui apaise que la raison qui soucie… »

 

Or la foi ( la foi chrétienne par exemple) n’apaise pas toujours, et sans vraiment chercher, bien des cas nous viennent naturellement à l’esprit : Bernanos, Pascal, Augustin, Claudel…sont constamment tourmentés comme leurs œuvres en témoignent.
le " monde sans Dieu " que décrit Pascal est si frappant, si réel, qu'il ferait perdre la foi à n'importe qui.
En revanche son  texte " félicité du monde avec Dieu" est d'une grande faiblesse d'écriture et là où l'homme se proclame croyant, nous le devinons pétri de doute.  

Il n’est guère que Michel Onfray lui-même qui, en son athéisme proclamé, se déclare serein.

 

Bien sûr, la fréquentations de certains justes ou illuminés nous a exaspéré autant que lui et je ne peux que souscrire à des remarques malicieuses telles que : « J’ai rencontré Dieu souvent dans mon existence » in le chapitre « Cartes postales mystiques ». Ceux qui ont connu leur « moment de grâce » et n’ont de cesse de nous en faire profiter, paraissent s’être laissés complaisamment rapter par de sublimes paysages et des scènes édifiantes.

 

« Dieu est mort ? Cela reste à prouver » constate l’auteur.
Mais si « Dieu est mort » comme le dit Nietzsche, ce "décès" oblige ceux qui y souscrivent à faire le deuil de Dieu. Une telle démarche les plonge dans un fatras de chagrins, condoléances, crises de culpabilité, retour de dévotion, et interminables rituels de commémorations…si Dieu est mort, rien d’étonnant au fait qu’il persiste à gêner.

 

Un étudiant avait écrit un graffiti sur un mur " Dieu est mort , signé Nietzsche";

un autre rajouta en dessous " Nietzsche est mort, signé Dieu".

 

Cette plaisanterie de potache en dit long sur la difficulté que nous rencontrons à nous séparer de l'idée de Dieu. Nous savons que notre corps est mortel et devant ce fait , voulons toujours parier sur une quelconque âme...

 

Voltaire préféra dire « S’il n’existait pas, il faudrait l’inventer », comme s’il craignait par avance les conséquences du deuil. Chaque penseur semble nous dire à sa manière, qu’on ne se débarrasse pas de Dieu à bon compte…Sauf Michel Onfray, qui a des ressources insoupçonnées !


L’auteur a tendance à enfoncer des portes ouvertes ; il nous répète que Jésus n’est qu’un mythe, que ce qui est dans la Bible n’a vu le jour que sous sa forme latine au Moyen Age, que les évènements rapportés dans la Bible ne relèvent pas exactement (souvent pas du tout) de l’histoire. C’est même pour cette raison que l’on a créé le mot « histoire sainte »… et nous « savons « aussi qu’il n’y a pas de dieu mais pouvons-nous réellement dire que nous n’y croyons pas même au niveau de l’inconscient ?

 

Que dit Freud, dans cet ouvrage parfois évoqué, mais non cité par l’auteur, « L’Avenir d’une illusion » ? Que les croyances religieuses procèdent des névroses, que les pratiques religieuses sont des symptômes. Jamais, il ne se risque à dire que quiconque puisse totalement s’en exempter.

 

J’aurais aimé que pour défendre la laïcité et combattre le fanatisme, nous puissions disposer d’un ouvrage plus sérieux que celui-ci. Défendre la laïcité est plus efficace que prôner l’athéologie.

Or, Michel Onfray tout à ses rêves de grandeur, trouve la laïcité « médiocre » comme pensée.
Or, la laïcité n’est pas une pensée, c’est un principe juridique, une loi pour se prémunir du cléricalisme, et des débordements religieux.


Michel Onfray ne se demande pas ce qu’est la croyance religieuse ni ce qui la provoque. Il affirme et questionne peu. Des affirmations souvent gratuites.
Il n’aime pas le questionnement socratique, ni la philosophie qu’il soupçonne d’être non athée.
La libre pensée lui paraît suspecte car elle prétend se passer de Dieu mais non de la morale et de l’éthique chrétienne. C’est juste : toute éthique a des fondements religieux. La loi de l’interdit d’inceste fonde la civilisation et la culture.

Enfin, Dieu, chacun se débrouille avec ce mot comme il peut... 

 
Michel Onfray " Traité d'athéologie" Grasset, 2005.
 
Partager cet article
Repost0
12 avril 2009 7 12 /04 /avril /2009 08:56

 

Ce dessin de Bruegel représente un énorme poisson éventré. De sa gueule ouverte jaillissent une myriade d’autres poissons ayant dans leurs gueules d’autres et ainsi de suite comme des poupées gigognes. Mon blog est un de ces poissons minuscules, vous ne pourrez le reconnaître.  Le regard va ensuite sur l’homme qui a éventré le poisson (en fait, il y en a deux). Bien vite on se rend compte que d’autres scènes complètent celle-ci : un homme dans une barque désignent la chose à un autre. A gauche, un poisson à jambes humaines marche à grands pas avec un autre poisson dans sa gueule. Dans le ciel , il y a un poisson volant. Alentours, dans l’eau, des poissons en absorbent d’autres… la scène entière, allégorique ( manger ou être mangé ) est également grotesque, comique, fourmillant de détails saugrenus et alliant le trivial et le fantastique. J’ai toujours été fascinée par Bruegel, ses monstres, ses créatures bizarres, ses gens en mouvement, son visage de paysanne en gros plan qui semble perdre son dentier, tête de paysanne pieter-bruegel-06

son univers de folie et de rudesse, ses immenses paysages aussi.

 

 

Pour trois euros, une bonne monographie du peintre m’attendait chez Gibert.

 

"Christian Vörhinger Bruegel l’Ancien"


Publiée chez h.f. Ullmann (Maîtres de l’Art flamand) 2007,  140 pages 141 illustrations en noir et en couleur.

Chronologie, glossaire, Bibliographie sélective. 11 chapitres. Format 22 X2 5, 5 cm. le livre est relié.

 

Titre original : Meister des niederlandischen Kunst- Pieter Bruegel.

 

Une  monographie, pas savante, mais pleine de renseignements.  Les illustrations  de tableau sont relativement grandes, bien commentées, avec beaucoup d’illustrations complémentaires de détails. Celles-ci sont, il est vrai, indispensables pour des tableaux fourmillant de personnages et de petits détails qui échappent à l’œil nu. Bruegel est un de ces peintres, chez qui, pour le Portement de croix, vous cherchez en vain Jésus et son fardeau, comme une aiguille dans une botte de foin, tant l’image fourmille de scènes, dont certaines ont à voir avec l’action principale ( les femmes en pleurs en premier plan ; les larrons emmenés dans la carriole ; ) et d’autres non ( les badauds comme au spectacle ; des gens vaquant à leurs occupations comme si de rien  n’était). La scène représentant Simon de Cyrène tiré vers le Christ pour l’aider à porter sa croix, est difficile à identifier comme telle.L'auteur aide à s'y repérer.

le portement de croix


Le contexte historico-politique est bien rendu, des reproductions d’autres maîtres sont fréquemment données sur la même page en comparaison (ainsi Patinir pour le repos pendant la fuite en Egypte)

Les tableaux difficiles à bien comprendre, tel celui des Proverbes flamands ou des Jeux d’enfants sont reproduits en noir page suivantes avec des légendes et des numéros pour chaque action de personnages.

Bref un vrai miracle que cette monographie ! 

Partager cet article
Repost0
26 janvier 2009 1 26 /01 /janvier /2009 00:54

Hélène Prigent  Mélancolie : les Métamorphoses de la dépression

Gallimard-Découvertes 159 pages, 2005.


Ecrit à l'occasion de la célèbre exposition «  Mélancolie, génie et folie en occident «  qui s'est tenue à Paris au grand Palais en 2004-2005.

Elle cite Robert Burton auteur de l'ouvrage «  Anatomie de la mélancolie «  (1621), une somme ! et le commente souvent.

Le chapitre 1 lui rend hommage ainsi qu'aux  penseurs de l'Antiquité qui ont identifié le problème avec la « bile noire », notamment les partisans de la théorie humorale «  qui lie la maladie aux humeur ».

On s'intéresse aussi aux anachorètes qui se retirent dans le désert d'Egypte et de Syrie au 4eme siècle, jugeant la société agonisante. Ils sont frappés par l'acédie (grec akêdia : négligence indifférence ou chagrin abattement du cœur, lassitude ou ennui).

 


Crespi St Jérôme dans le désert

crespi-saint-jerome-desert-NG6345-fm


A l'appui, des illustrations de Saint Antoine, Jérôme et d'autres, qui, dans leurs retraites solitaires, sont  aux prises avec d'effrayants démons, et des pensées morbides.

 

Lycaon et Jupiter

Agostino Veneziano Lycaon et Jupiter 1524 Strasbourg cabine

Cette acédie  on l'a appelée aussi démon de midi «  le plus pesant de tous, car .... Il fait que le soleil paraît lent à se mouvoir, ou immobile, et que le jour semble avoir cinquante heures... » C'est une réflexion qui vaut pour  les pays de soleil : ici c'est la pluie et l'absence de soleil qui favoriseraient l'acédie !!



 On apprend que l'acedia est comptée dans les péchés capitaux selon Evagre le Pontique, théologien ancien diacre à Constantinople, retiré en 383 dans le désert «  huit sont  en tout les pensées génériques qui comprennent toutes les pensées : la première est la gourmandise, puis vient celle de la fornication, la troisième est l'avarice, la 4eme la tristesse ( j'aurais cru que la tristesse et l'acedie c'était pareil mais...), la 5 eme la colère, la 6eme l'acedia, la 7eme la vaine gloire, la 8eme l'orgueil. » donc il y a huit péché capitaux ?

Il manque donc un crime dans «  Seven » ?

Non, car ce sont huit vices «  qui donnent lieu aux péchés lesquels ne seront que 7. »


 la mélancolie prend le nom de « paresse », à l'heure actuelle et si ce n'est plus un péché, c'est une faute ; le mélancolique est plus ou moins à l'écart de la société. Quelques soient ses activités, elles ne sont pas rentables, et pas considérées comme de vraies activités.


 «  Christianisée la mélancolie entre dans le même champ de références que l'acedia. Interprétée comme une sanction de la tentation originelle ... elle se définit à l'instar de l'acedia comme un péché ».

Mais très vite le type mélancolique devient un des quatre tempéraments. «  Le mélancolique est froid et sec, et toujours a le cœur amer. Demeure pâle et maigre et paraît anéanti, et il est tenace, cupide et avare : et il vit en la plainte, peine, douleur et deuil, et à son infirmité il n'y a pas de remède : il est solitaire et semble un homme monastique, sans amitié, et possède une disposition d'esprit imaginative ». La mélancolie est personnifiée par une » dame Mérencolye » vieille femme vêtue de haillons, près d'un feu agonisant.


Dès cette même époque les astrologues arabes lient la mélancolie au dieu Saturne.

Il s'agit de Saturne en tant que Cronos, souverain de l'âge d'or, dieu déchu, patriarche qui dévore ses enfants, qui a émasculé son père avec une faucille pour fonder la génération de Titans.

Mais Saturne est aussi Chronos le Temps qui dévore les Heures.  Et Saturne le Latin, qui préside aux travaux des champs, dispense les bienfaits de la civilisation, préside un second âge d'or. Enfin comme planète «  astrologique » elle incarne à la fois l'intelligence suprême, et l'hostilité, la mort.... Et un pot -pourri de tout ce qui précède !

 

Les Enfants de Saturne

Saturne et ses enfants miniature début XVI eme Tübingen

  l'auteur commente aussi Aristote pour qui la mélancolie est liée au génie. Et à la Renaissance, la gravure de Dürer renoue avec cette idée que le mélancolique est un être de génie. "La bile noire  élève l'âme jusqu'à la compréhension des choses les plus hautes ».

 

Le personnage représenté dans Melancholia 1de Dürer appartient à la confrérie des philosophes ( melancholia rationis), aussi bien que des artistes melancholia imaginationis.

  melencolia i

 

 

Lucas Cranach Melancholia

Lucas Cranach La Mélancolie-1532 Musée Unterlinden de Col

La Mélancholie de Cranach, a un sens bien plus moral. La jeune femme qui est dépeinte, est considérée comme affligée d'un mental erratique. Elle n'a plus de point de repère, reste assise toute la journée à rêvasser les yeux dans le vague. Le tableau n'a pas l'air triste. Il n'est pas facile à interpréter...

 

 


Les autres chapitres montrent l'évolution du concept de mélancolie à travers les époques plus récentes( Classicisme Romantisme...) en menant la réflexion à la fois dans le domaine philosophique,  littéraire, artistique et psychiatrique en tenant compte des différences de nationalités. Nous avons donc une mélancolie élisabéthaine puis « romantique ».

 

 

Edward Burnes-Jones La Tête maléfique

Edward Burne-Jones La Tête maléfique

 

  Les ¨Pré-raphëliques sont champions de la mélancolie, ont créeé une abondance de tableaux représentant des êtres rêveurs, bercés d'une douce ou anxieuse mélancolie, souvent assiégés par d'inquiétantes créatures, dont ce couple de Burne-Jones qui découvre un inquiétant "troisième" dans leur reflet conjoint.

 

En Italie,  c'est la conception de la «  mélancolie créatrice » qui prévaut.

 

 

 

Marion Sironi Femme assise

Mario Sironi Femme assise et paysage la mélancolie 1927 Mi

 

 


Arrivé au vingtième siècle, la mélancolie est surtout montrée comme trouble mental ou disposition de l'esprit. L'article de Freud «  Deuil et mélancolie ». Heidegger récupère la mélancolie : parce que la tonalité fondamentale de l'être est l'ennui ce même ennui est aussi à l'origine de toute création en ce qu'il révèle l'écarta entre l'homme et l'être, et donc un manque, et le besoin d'essayer de le combler dans et par l'œuvre. La mélancolie induit  la création dans la mesure où elle désigne d'abord un écart, une inadéquation fondamentale entre l'homme et son propre dépassement vers un au-delà ( Divinité idéal ou l'être même).

Sartre avait baptisé la Nausée «  Melancholia », titre refusé par l'éditeur.


Zoran Music Le Fauteuil gris

Zoran Music le Fauteuil gris

Pour finir, la mélancolie est liée au regard et suscite une iconographie de deuil. Elle met en scène une absence. L'image, unique échappatoire, face à une réalité, qui elle reste impensable.Pas mal de clichés, de tartes à la crème, surtout sur le Romantisme. L'encart consacré à Freud ne dit rien  de sa pensée. C'est normal, on ne peut résumer autant de travaux  divers de l'Antiquité à nos jours sans sacrifier les détails.

 


L'ensemble, quoique banal, apporte des connaissances historiques, donne des envies de lecture. L'iconographie est riche et variée, attirante malgré la petite taille du format. Les esprits chagrins diront que voir une série de personnage de toutes les époques faire la tronche est éprouvant voire déprimant.... Et sombreront dans une mélancolie plus forte encore.

 melancolie hopper.1198139044.thumbnail

  Mélancolie moderne Hopper

 


Pour finir on peut écouter «  Melancholy Man »









Et  réciter mentalement ce poème de Nerval (je suis le veuf le ténébreux, l'inconsolé...) que vous aimiez tellement en votre adolescence, que vous l'aviez écrit sur votre table de classe au feutre noir indélé...bile. Vous l'aimez toujours, saviez-vous cela ?


Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Nuagesetvent
  • : Comptes rendus de mes lectures avec des aspects critiques + quelques films de fiction Récits de journées et d'expériences particulières Récits de fiction : nouvelles ; roman à épisodes ; parodies. mail de l'auteur : dominique-jeanne@neuf.fr
  • Contact

Rechercher

Archives Récentes