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27 février 2009 5 27 /02 /février /2009 11:51

Actes-sud, 430 pages. Titre original « Spieltrieb »

Le titre original signifie «  pulsion ludique ».

 

Mais le traducteur ne s'y est pas trompé. Cette fille sans qualités s'inscrit bien dans une perspective « musilienne ».

Ironie mordante, métaphores très « physiques », parfois inventives, goût pour la formule à l'emporte-pièce, et la « citationnite » implicite ou explicite. Ton souvent incisif,  personnages tendant vers le «  surhumain »... façon de titrer les chapitres par des phrases entières qui expriment une action.

Enfin l'Homme sans qualités est présent comme roman, le préféré du professeur, étudié par ses élèves.

 

  

Ada est une adolescente de 14 ans qui vient d'intégrer l'école privée Ernest Bloch. Elle s'est fait renvoyer des écoles précédentes pour actes de violence (y compris physiques) insolence, attitudes provocatrices. Très consciente de son intelligence, elle cultive un sentiment de supériorité et méprise les autres élèves. Ainsi que les professeurs, qu'elle remet à leur place, d'une seule réplique. Dans ce roman, les professeurs se laissent facilement déstabiliser, on se demande ce qu'ils feraient avec  une trentaine d'élèves  en difficulté.

 

En tout cas, dans son nouvel établissement, Ada va rencontrer Alev, un élève aux origines multiples( notamment iranienne), qui a la même certitude  d'avoir une intelligence supérieure, sentiment entretenu depuis toujours par les adultes autour de lui...ces élèves ont déjà tout lu, tout vu, tout pensé, ils sont désespérément à la recherche de quelque chose de neuf, et discourent à n'en plus finir sur la mort de Dieu, l'équivalence du bien et du mal.... Et sont à l'affût d'un divertissement à leur mesure.

 

Ada plaît beaucoup à Smutek, professeur de sport qui donne aussi des leçons d'allemand.  Alev et elle vont se servir de ce penchant pour démolir cet enseignant. Vont-ils y parvenir ? C'est ce que j'ignore, car j'ai arrêté ma lecture au bout de deux cent pages... allergique au style et aux personnages.

 

Les héros ont bien quelque chose de musilien, mais, ayant l'âge de l'élève Törless, les jeux auxquels ils se livrent sont plus proches de ceux de Beineberg et de Reiting dans ce roman, que de l'Homme sans qualités. Sans que soit développée cette esthétique particulière, qui peut encore plaire dans Törless.

 

Alev p. 146 «  Il ne lui faudrait pas longtemps pour se propulser au cœur de l'action, occuper la position enviée et redoutée d'un roi sans peuple, assailli par des nuées de sujets potentiels, d'autant plus désireux de le servir qu'il se refusait à accepter leurs services. Il avait gagné la partie un peu partout dans le monde... Alec estimait que les enseignants et les élèves du Lycée Ernst Bloch se laisseraient mener plus docilement qu'un troupeau de moutons privés de son bélier de tête ».

 

Déjà, en relisant des fragments de l'Homme sans qualités, j'avais été déçue par certaines pages (un de mes billets sur l'HSQ) et là je n'ai pas envie de reprendre Musil ( que j'avais adoré ...!)  pas plus que de pousser cette lecture plus avant...

 

Blogo-trésor choix N° 1

 

Vous avez lu La Fille sans qualité et l'avez aimée ? défendez-là !

 

 

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21 février 2009 6 21 /02 /février /2009 10:41

Edition : SEUIL, Point Roman, 1963.

 Fils d'un magnat de l'industrie, Hans Schnier, 20ans, s'est fait clown pour se révolter contre son milieu, et le tourner en dérision. Il vit avec Marie qui est catholique. Les représentants de son groupe socioculturel manifestent leur hostilité à son égard et commencent à l'exclure. Elle décide de quitter Hans pour Küpfner, premier dignitaire de l'église catholique allemande.
A Bonn, Hans, qui ne veut pas d'une autre femme, la cherche. Il s'est blessé au genou, s'alcoolise dans sa chambre d'hôtel, téléphone à tous ceux qui ont connu Marie ? Ne recueillant qu'hostilité, pitié ou mépris. Grimé, il s'installe sur le quai de la gare : c'est pour croiser Marie qui rentre de voyage de noces.


     Le roman est un long monologue et un mono dialogue téléphonique. Hans se souvient de l'époque nazie, de l'engagement de ses parents au troisième Reich, du sacrifice de sa sœur Henrietta, vendue à la DCA allemande en 1945. En même temps qu'il évoque le passé, il fustige les industriels, pour qui seul le point de vue économique compte, Adenauer, les catholiques sclérosés par l'amour et la miséricorde, et les protestants avec leurs problèmes de conscience.

Sa vision du mariage et des rôles homme femme, reste traditionnelle.

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22 septembre 2007 6 22 /09 /septembre /2007 06:14
Musil-T--rless.jpgLes Désarrois de l’élève Törless
 
Publié pour la première fois en 1906.
 

Törless a seize ans, il a été envoyé par sa famille dans une école privée de l’Autriche Hongrie orientale «  à la frontière de la Russie » où l’on accueille les riches bourgeois et les aristocrates. L’endroit est désolé et aride. Cette description fait l’incipit du roman.

 

Le nouveau pensionnaire a deux camarades plus âgés que lui, Reiting et Beineberg, qui s’entendent pour échafauder de dangereuses utopies. Beineberg est passionné de philosophie orientale. Son appréhension du bouddhisme lui en fait tirer une morale extrémiste inspirée de l’organisation de la société hindoue en systèmes de castes.Il est persuadé  qu’il faut être indifférent au monde et aux sensations. De ses lectures, il a déduit qu’il existe des êtres inférieurs et des êtres supérieurs. De ces derniers, il estime faire partie. Il se livre à des exercices de méditations et d’ascétisme dans un grenier désaffecté, cachette qu’il partage avec Reiting, et dans laquelle Törless se trouve admis.

Reiting aime surtout les complots et les intrigues pour se désennuyer de l’existence d’interne.

 

C’est lui qui a l’idée de tourmenter Basini, un élève moins fortuné qu’eux, et à priori moins favorisé intellectuellement, de par ses origines modeste.

Il a commis un petit vol et les autres le font chanter menaçant de le dénoncer s’il ne cède pas à leurs caprices.

Ils le torturent, le soumettent à la question, pour obtenir un aveu, usent de violences physiques et morales, et lui font exécuter des actions abjectes et stupides.

Basini semble croire que se dénoncer serait pire que de subir la torture.

Il sait que Beineberg et Reiting peuvent le faire tuer par leurs camarades, aptes qu’ils sont à chauffer le groupe.

Le rôle de Törless est celui d’un observateur. Ses deux amis lui confient leurs projets délirants, l’apprécient  parce qu’il est voyeur de leurs manigances, croient lui en imposer ( ce qui n'est qu'à moitié vrai...) et ne se méfient pas de lui.

 

Avec raison au début, car Törless éprouve un mélange de fascination, dégoût, et curiosité pour ces mises en scène sadiques dans les combles de la pension, huis clos où aiment à se retrouver les adolescents qui  ont décoré le grenier et l'ont plongé dans une obscurité trouée de torches baladeuses,  créant une atmosphère dramatique.

Musil disait avoir voulu faire un livre sur le clair-obscur....
 

Törless éprouve de l’attirance pour Basini, il aura des contacts sexuels avec lui comme ses deux comparses. La sensualité se fixe aussi sur certains gestes et attributs de ses camarades, sur une prostituée de rencontre.

Musil dira que rien n’est plus éloigné de lui que l’homosexualité. A présent ces dénégations font sourire. Il est vrai toutefois que l’homosexualité de Törless est différente de celle du Tonio Kröger de Thomas Mann, autre adolescent célèbre contemporain de Törless.

 

L'objet d’amour de Thomas Mann (lisible dans Tonio Kröger)  est vraiment un jeune garçon, que l’on retrouve dans Mort à Venise, ou les Buddenbrock.

Celui de Musil est sa sœur qu’il n’ a pas connue, personnage central de L'Homme sans qualité.  De cette sœur il est déjà question dans Törless.

 

Lorsque Basini est livré aux autres élèves, Törless se décide à intervenir pour lui sauver la vie. Lui assurant la protection des dirigeants de l’école.

Basini est renvoyé à sa mère, Törless demande à partir. Les deux principaux responsables ne sont pas inquiétés.

L’ouvrage se clôt sur une nouvelle attirance de Torless, pour la philosophie kantienne, dont on ne sait ce qu’il va en tirer.

 

 

Une séquence anticipative dans le roman permet de constater que Torless devenu adulte, et rendant compte de cette expérience de jeunesse à un ami, n'a pas de regret de sa conduite de l'époque qui fut loin d'être acceptable. Car il était complice de ses camarades sadiques, et ce qui le fit intervenir n'est pas une réaction morale ni de la pitié pour Basini, mais seulement le fait que l'expérience ne l'intéressait plus, qu'il avait percé à jour ses camarades.

 

On se demande si Torless n’aurait pas pu devenir, non pas Kant, mais plutôt... Heidegger ?

 

 

Musil a eu de l’ambition dans ce premier roman : il voulu faire œuvre esthétique ( «  un livre sur le clair-obscur » réussi) psychologique ( les complexités de l’esprit de Torless  intéressent encore, malgré que Musil se soit tenu à l’écart de la psychanalyse qu’il détestait, et évite ce langage) et enfin œuvre politique.Il a montré comme il l’a dit plus tard «  les dictateurs in nucléo » en Reiting et Beineberg, et en Törless le philosophe appelé à soutenir le régime nazi, sans conviction, sans état d'âme non plus...

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7 septembre 2007 5 07 /09 /septembre /2007 17:47

Wolf.jpg(« Nachdenken über ChristaT. 1969)

 

 

 Evocation en 20 chapitres d’une amie trop tôt disparue inscrite dans le cadre de la RDA avant pendant et après la guerre.

L’autre Christa est une amie de classe. Elles ont douze ans à la deuxième guerre mondiale et sont séparées, victimes de traumatismes. Elles se retrouvent en 1948. A vingt ans, l’amie est institutrice, et suit comme l’auteur, des cours à l’université. La narratrice relate un chagrin d’amour. Christa, l’autre, devient prof de lettres, abandonne après avoir rencontré un vétérinaire qu’elle épouse. Ils achètent une maison dont Christa est assez contente. Trois filles leur naissent, la plu jeune quelques mois avant sa mort.

 

Dans sa manière d’évoquer son amie dénommée tour à tour «  elle », «  Kristine » et «  Krischane » , amie qui est aussi partiellement un double d’elle-même, et – à l’opposé-une femme dont elle sait peu de chose, Christa Wolf est particulièrement originale.
L’écriture est distanciée, cérébrale, oblique et familière en même temps ; ce n’est pas toujours facile à suivre ; mais c’est vraiment différent. Elle adopte parfois une fausse spontanéité qui s’appuie sur des «  visions » quelle aurait de Christa T. ou des hypothèses sur ses pensées et ses actes. ( «  elle aura fait… elle se sera dit… »

Cette manière prudente d’évoquer la jeune femme répond au souci constant de la narratrice de ne pas fabuler en pure perte : «  la couleur du souvenir trompe ».

Méditer, la méditer… Méditer sa tentative d’être soi-même."

C’est l’idée que l’on déchiffre dans les journaux intimes qui restent d’elle, sur les feuilles volantes des manuscrits retrouvés, entre les lignes ses lettres que j’ai lues, qui m’ont appris à oublier le souvenir que j’ai d’elle, Christa T. »

 On perçoit Christa T. de diverses façons,par exemple comme l’envers de la narratrice, un envers qui n’est pas devenu écrivain. Est-elle heureuse d’une certaine façon ? déplore t’elle son mariage ? A-t-elle échoué dans es ambitions ? Même sa maladie, peut apparaître comme une métaphore d’une dépression dont elle n’aurait pas vraiment osé souffrir, ou se plaindre.
L’extrême fatigue éprouvée par l’héroïne dans quoi nul ne décèle la maladie, ce parti pris étonne la narratrice.

« Une chose est sûre : jamais ce qu’on fait ne nous fatigue autant que ce que l’on ne fait pas ou ne peut pas faire ».

On a dit que cette jeune femme ( qui a réellement existé et vécu à peu près comme le dit l'auteur) est aussi pour Christa Wolf, l'auteur du " Ciel partagé ", une métaphore de ce que l'on devient en RDA, la représentation d'une impossibilité à vivre du fait des contraintes imposées par le pouvoir totalitaire. 

 

 
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30 novembre 2006 4 30 /11 /novembre /2006 18:43

Il y a trente ans,  presque  jour pour jour, que mourait Fritz Zorn, auteur zurichois d’un unique ouvrage autobiographique, «  Mars ». Né le 10 avril 1944, il n’avait que trente-deux ans à son décès.

 

«  Zorn » est un pseudonyme  pour « mépris » ; Mars évoque aussi des sentiments de  violence.   Le vrai nom de Zorn est  Fritz Angst, et ce mot de Angst c’est l’angoisse. Une angoisse, qui, mêlée  au courroux, à la rage qu’éprouve l’auteur, court à travers le récit.

 

«  Je suis jeune, riche et cultivé  et je suis malheureux névrosé et seul…  toute ma vie j’ai été sage… naturellement j’ai aussi le cancer, ce qui va de soi…» l’incipit a été souvent cité. Des phrases provocantes et ingénues à la fois, mêlant la dérision et la révolte.

 

L’auteur prévient qu'il ne relate pas son  autobiographie, mais l’ »histoire d’une névrose ou du moins  de certains de ses aspects. »

 

Cependant, décrivant son état et les origines supposées de celui-ci,comme  il n’est pas clinicien, il se retrouve  autobiographe.

D’emblée il annonce que la maladie dont il souffre, un cancer, est l’expression somatique de sa névrose. Il veut s’approprier ce cancer comme son symptôme, l’objet qu’il peut aimer et comprendre.

D’où cette formule que la tumeur est une métaphore de ses « larmes  non versées». Mais à propos de quelle perte particulière, les a-t’il  retenues, nous  ne le savons pas.  

  

En tant que malade il veut coexister le moins mal possible avec son affection, lui donner un sens, et peut-être en donner un à sa mort, qu’à juste titre il suppose proche. Beaucoup d’affections sont suspectées d'avoir des causes psychosomatiques, mais il est impossible de le  prouver scientifiquement. Il serait irrationnel de penser qu'un  cancer se développe  par le seul fait de l’existence d’une névrose. Mais, dans le cas présent, aucune cause biologique n'a pu être trouvée...

 

Pour en savoir plus, on eût dû laisser la parole au psychothérapeute de Mars, mais celui-là n’a rien su faire de mieux que de lui administrer l’extrême-onction, à sa manière profane, en lui certifiant que son livre serait publié après sa mort.

 

Révolte, colère, mépris : mais cette révolte fut d’abord rentrée comme en témoigne le 1er chapitre «  Mars en exil ».

 

Mars évoque son enfance et sa jeunesse à Zürich : il est révolté contre sa famille qui l’a «  éduqué à mort ».

Il épingle les formules langagières que ses parents utilisaient lorsqu’ils ne voulaient pas approfondir un sujet. Cependant, il ne dit rien de précis permettant de se faire une idée de ses parents, camarades ou professeurs, et les filles «  avec lesquelles les relations n’ont pas marché ». On apprend seulement que son petit frère avait acheté un «  mauvais disque «  le Tango criminel » alors que lui, Mars, n’a jamais osé écouter de mauvais disques , persuadé que la musique classique vantée par les adultes était le bon choix.

Maintenant il regrette le Tango Criminel,( j'adore ce titre...) et c’est trop tard.

Trop tard pour vivre.

Mars a fait un doctorat en langues romanes, est devenu professeur d’espagnol, retrouvant timidement la langue du Tango Criminel.

 

A part cette métaphore que je trouve belle, il ne met rien en situation, ne relate aucune scène, peut-être parce qu’il craint d’être reconnu.

Il témoigne toutefois avoir toujours été absent à ce qu’il faisait, absent à soi-même. On le ressent dans on écriture, non pas «  blanche » mais sans couleur.

Cette écriture mélange naïveté et ironie, avec de nombreuses répétitions de phrases aux variations minimes, fourmille de paradoxes parfois un peu faciles :

« Pourquoi aurais-je voulu me suicider, la vie c’est donc différent de la mort ? »

 

En effet, à la vue d’une tumeur qui grossissait rapidement, il n’a pas voulu consulter, attitude suicidaire.

 

S’il avait vécu, , il aurait pu cultiver son goût pour l’aphorisme et écrire des maximes. «  J’ai été éduqué à mort » est une formule qui laisse à penser.

 
 
 
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5 août 2006 6 05 /08 /août /2006 18:47

 

 Petit intermède avant la suite du bref parcours : la "psychologie" chez Musil :

 Meingast le frère de Clarisse, psychanalyste de service, est une figure extrêmement négative qui incarne certains des malentendus de l’époque ( et la mauvaise foi de l’auteur) concernant la psychanalyse naissante .Il est intéressant de comparer avec le personnage de « Kropotsky » et ses expériences érotico-occultes dans la « Montagne magique » ainsi qu’avec le Docteur fou de la « Pitié dangereuse «  de Zweig, qui veut persuader le lieutenant Hofmiller d’épouser l’héroïne ; on peut constater que ces portraits sont tout aussi chargés que celui du psychiatre musilien alors que l’on sait que Thomas Mann et Stefan Zweig, contrairement à Musil, étaient favorables à la psychanalyse et entretenaient des relations d’amitié avec Freud.

Musil haïssait tant la psychanalyse qu'il écrivit l'Elève Törless avec des références psychologiques et psychiatriques alambiquées, en évitant soigneusement tout ce qui  aurait pu paraître inspiré par Freud. Le livre n'en est pas moins assez réussi. Je  relis encore ce "roman de collège" à portée philosophique et même politique. 

 

 Partie III : Les Criminels : 56 séquences plus 70 inachevées ou ébauchées. 

Le donjuanisme d’Ulrich évolue : son père vient de mourir, il se rend dans la maison paternelle. Il n’aimait pas le vieux et ils ne se voyaient plus. 

 

Avoir perdu son  père ne  fait pas surgir le patronyme d’Ulrich que nous continuerons à ignorer. Ulrich se veut libre, donc sans filiation sérieuse. 

 

 Mais la mort du père fait advenir la « sœur oubliée » Agathe, 27 ans, blonde, belle (agathos : beau). Ils se rencontrent vêtus de la même façon avec des pyjamas qui font penser à Pierrot aussi bien qu’à Arlequin. 

 

« Sommes-nous jumeaux ? » 

 

Le ton change, ils évoquent des souvenirs d’enfance, se font les récits mutuels de leurs vies respectives.
Agathe est libre, et libre penseur aussi : la façon dont elle jette son porte-jarretelles dans le cercueil du défunt choque même Ulrich. 

La mort du père, levant l’interdiction d’inceste, (ou la préservant ?) introduit de nouvelles préoccupations : Ulrich et Agathe décident de vivre l’un pour l’autre. Ils se défendent de consommer leur union, tout en ne se l’interdisant pas. ni pour ni contre, ni dieu ni diable.

L’arrière plan social de la première partie devient sporadique, Musil en a fini ou presque avec la critique sociale. 
 

 

Agathe, un personnage auquel le lecteur ne devrait pas pouvoir croire aisément.

Elle n'a pas été "introduite".

Elle n’est pas évoquée dans la première partie du roman même sous une forme allusive. Ulrich alors n’avait pas de sœur, ou il était amnésique.

 Agathe n’est pas "une femme de plus". On voit qu’elle est créée pour Ulrich, pour être son double. Elle apparaît très naturellement certes, mais comme le font les esprits. Le  récit commence par le chapitre «  La Sœur oubliée ». Agathe lève des interdits en même temps qu’elle les fait surgir. Elle modifie le testament du père et le réécrit pour déshériter son mari et rester avec son frère. Ulrich sera seul héritier.  

 

Le roman ne se termine pas, l’ennui de l’HSQ, l’essayiste de lui-même, ne tourne pas à l’aventure mais à l’errance. 

Qui plus est, s’il  ne s’engage pas socialement, professionnellement, intellectuellement, c’est, nous sommes tenus de le  constater vu la tournure que prennent ses affaires, qu' inconsciemment, il se gardait disponible pour une passion  « incestueuse » non consommée mais qui l’occupera beaucoup.
La passion est ce qui enchaîne le plus.
Heureusement le roman ne s’achève pas. 
 

 

Musil meurt en 1942 et en exil sans avoir achevé son œuvre  qu’Umberto Eco appelle « une œuvre ouverte » par opposition à «  La Recherche » de Proust, contemporaine, close sur elle-même, et possédant sa conclusion  propre : restitution de la vie dans le projet esthétique.  Avec Musil nous restons dans la sphère du doute. L’œuvre s’ouvre sur des « possibles «  non sur  des certitudes.  

 

Musil est-il philosophe ou romancier ?
il est philosophe parce qu’il écrit un roman  et il écrit un roman parce qu’il veut écrire ses pensées sans être  philosophe.

Intéressé par la philosophie, il pense toutefois que c’est «  une dictature de l’esprit que d’enfermer le monde dans un système clos".

 

Etant jeune, j'ai adoré l'HSQ, dont à présent je relis certains passages, non sans irritation... !!

 

 

 

 

 

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1 août 2006 2 01 /08 /août /2006 15:29
2) Les parties I et II sont un entrelacement d’intrigues écrites sur le mode ironique, que l’on retrouve chez maint écrivains du 19eme siècle : les pensées n’y apparaissent pas comme des excroissances mais comme des commentaires longs de la situation concrète décrite, ou des mœurs du temps, qui, parfois , la théorisent.
 
Intrigue égale femme. Ulrich en a rencontré beaucoup et l’on note une progression des rencontres féminines, qui, de la plus simple à la plus complexe vont aboutir à Agathe à moins que la série ne se rompe pour lui laisser place ?
 
1-     Leona : chanteuse de cabaret représente les pulsions orales, gourmandise y compris.
2-     La « Majoresse » une femme étrange avec laquelle s’élabore un amour quasi-mystique. Au début de l’action elle fait l’objet d’un récit rétrospectif, souvenir de la jeunesse du héros. Préfigure Agathe dans un certain sens mais va au-delà et reste en deçà. L’expérience demeure abstraite.
3-     Bonadea (bonne déesse) trouve Ulrich évanoui dans une rue où il s’est fait attaquer et détrousser. Le soigne et devient sa maîtresse. Femme du monde un peu sotte, toute d’extériorité. Ulrich finit par la chasser.
4-     Gerda : amie de Hans Sepp, l’étudiant révolutionnaire, jeune fille osseuse, attirée par Ulrich mais au moment suprême a une crise d’hystérie. : c’est du moins ce que l’auteur a voulu rendre d’après ses études de psychologie.
5-     Diotime ( Ermelinda femme de Tuzzi) la belle âme. Ce surnom vient du Banquet de Platon, des poèmes de Hölderlin, une longue tradition d’héroïnes germaniques formées sur le mythe grec. Comme la « bonne « âme, la « belle » est tournée en dérision même si elle veut se mouvoir dans un registre sublime : Diotime est attirée par Arnheim ainsi que par Ulrich ; voulant avoir des préoccupations intellectuelles et sociales, elle ne cherche en fait qu’un amant, même si elle l’ ignore.
Ulrich lui, il le sait : on ne la lui fait pas !
6-     Clarisse, la femme de Walter. Ulrich y a mis ses connaissances en psychiatrie. Hystérique, elle aussi (comme toutes celles qu’Ulrich rencontre, car c’était la mode de l’hystérie féminine), elle réclame d’Ulrich un enfant et veut se donner à lui. S’il refuse ce n’est pas pour être fair-play avec Walter mais seulement parce que Clarisse ne l’intéresse pas et qu’elle lui fait peur avec ses prétendus désirs de maternité. Dans la partie II elle s’attache au meurtrier psychopathe Moosbrugger, qui intéresse aussi Ulrich (côté dostoïevskien de l’œuvre.) mais elle va chercher à le faire évader. Jusqu' à la fin Clarisse continue à jouer un rôle ; on peut dire qu’avec Moosbrugger, ils constituent le double délirant ( et un peu caricatural) du couple que Ulrich va former avec sa sœur.
 
Enfin, on ne manque pas de s’apercevoir que ces héroïnes (parmi lesquelles il faudrait citer Rachel la jolie domestique des Tuzzi) appartiennent toutes à un homme, et se laissent séduire par Ulrich qui veut bien les tenter mais non les goûter ( Bonadea mise à part, cependant Ulrich n’a jamais vu son mari).
 
Musil a eu la vanité toute masculine de rendre son héros irrésistible sans en faire un Dom Juan accompli, car il consomme rarement. Mais cela est –il nécessaire ?
 
Il semble donc que L’HSQ ait au moins une qualité : c’est un séducteur.
Il pourrait en avoir une autre ( qualité dans le sens de vertu ou encore « excellence » au sens grec) : se soustraire aux engagements de la comédie sociale en ferait-il  un homme libre ?  
 
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31 juillet 2006 1 31 /07 /juillet /2006 23:20

Edité en 10/18 (Domaine étranger)

 

Les nouvelles de Schnitzler sont basées sur trois thèmes

 

1 l'art, la création artistique.

2 Les relations amoureuses entre hommes et femme, et aussi entre mère et fils (  Mme Beate et son fils)

3 La mort.

 

Le style est vif et simple, grand usage du discours indirect libre, du monologue facile à comprendre ( on ne rompt pas les digues, les repères, on ne tombe pas dans le monologue intérieur) . Une écriture très classique, cherchant la précision dans les termes, une intelligence aiguë.

 

Ah quelle mélodie ! Parue en 1885.

Un jeune enfant compose sans y penser en état de « rêve éveillé » une mélodie , puis la laisse s'envoler la partition par la fenêtre. Il n'y attache guère d'importance. Un autre la récupère, un jeune homme qui se veut compositeur et s'est essayé sans trop de succès à la création. Le morceau qu'il emmène chez lui pour en faire des variations il le rend célèbre. Ne pouvant créer une autre mélodie de lui-même, il se suicide.

L'enfant ayant entendu sa mélodie devenue célèbre, se la fait jouer par son professeur de piano : elle était trop difficile pour qu'il la joue lui-même. Il ne la reconnaît pas comme sienne, et l'apprécie pour celle d'un autre.

Conclusion : s'il y a une création, il n'est pas de créateur.

 

En attendant le dieu vacant ( Er wartet auf den vazierenden Gott) parue en 1886)

Albin est un artiste, lil crée des fragments. Ayant trop d'idées, il commence une création sans arriver à la développer, bifurque sur une autre. Discutant de ce problème avec un ami, il appelle ces fragments des « soudainetés » qui devraient s'intégrer dans un ensemble, si l'on trouvait de quoi les relier entre eux... 

L'un de ces fragments s'intitule « il s'avançait tel un dieu vacant », phrase qui se révèle devoir commenter justement sa difficulté à écrire. L'inachèvement de l'oeuvre ; «  ceux auxquels la nature a pour ainsi-dire oublié de mettre la dernière main... qu'elle a jeté  sur le marché des grands esprits sous forme de torses, et qui vont à l'aventure parmi les humains, avec en leur sein, cette étincelle d'un autre monde ».

 

« Mon ami Y. » est aussi un mauvais écrivain qui commet d'abominables romans exotiques et qui en meurt : ces mauvais romans sont de la poésie virtuelle qui ne trouve pas à se couler dans une forme  satisfaisante. Entre nous, si les mauvais romanciers mouraient tous de leur médiocrité, l'édition s'en porterait mal, mais les vrais lecteurs ne seraient plus noyés dans une masse de productions où parfois ils perdent leur sens critique et /ou leur patience...

 

Thème 2

Quatre nouvelles sont des variations sur le thème suivant : un homme devient veuf et s'aperçoit à cette occasion que sa femme avait un amant depuis longtemps. Chaque histoire se termine différemment. Dans l'Autre, le veuf  vient pleurer sa femme sur la tombe, voit un autre s'approcher, se sait repéré, et le fuit. Mais il ne trouve nulle preuve tangible de ce qu'il craint et souffre de doute ( Zweifel)

 

Un Héritage : le veuf a trouvé la pièce à conviction et provoque son rival en duel : c'est la façon dont le rival souffre du duel à venir, et de la mort d'Annette ,et préfigure sa mort à lui qui est admirablement rendu.

Le Veuf : il a découvert la pièce à conviction, mais son rival arrivé, il ne peut rien décider. Or le rival n'aimait pas sa femme, il la partageait avec une autre . L'époux ne réussit qu'à le traiter de canaille.

Le dernier adieu : le point de vue est celui de l'amant comme dans l'Héritage : l'insupportable attente d'Albert, sa maîtresse tarde ; cette attente existait déjà lorsque celle-ci était vivante, et durera encore lors de son agonie. Enfin, il peut l'apercevoir morte, et croit voir un sourire méprisant sur le visage défunt . Elle exige qu'il se proclame comme celui qui l'a vraiment aimé, en face de l'autre (ce que fait Hamlet  pour Ophélie par exemple, dans la scène du cimetière). Il se trouve que l'autre, c'est le mari. Il le ferait donc à ses risques et périls.

Mais il ne le fera pas. Il demeure lâche. Ainsi « il n'aura pas le droit de la pleurer » dit le texte.

Et aussi ce qu'il se dit à lui-même, ce que la morte doit penser, le message qu'elle semble lui adresser «  je t'aimais et tu es là comme un étranger à me renier. Dis-lui que j'étais à toi, que c'est toi qui a le droit de t'agenouiller devant ce lit et de me baiser les mains... Dis-le-lui ! Pourquoi ne le lui dis-tu pas ?

 

Aucune de ces nouvelles ne se termine par un comportement digne : si dans l'Héritage, l'amant se bat contre son rival, c'est parce qu'il y est contraint, et il perd, il perd tout de suite. Le Veuf ne cherche pas non plus à se battre contre un rival, lequel y pense encore moins, ayant déjà remplacé sa défunte maîtresse...

 

C'est dans «  Pour une heure » que l'homme paraît le plus ignorant de ses désirs. Cette allégorie fait paraître un Ange de la mort, auquel l'amant demande encore « une heure de plus » avec sa femme mourante qu'il va perdre. L'Ange et  lui, cherchent un mourant qui voudrait bien céder cette heure de vie, sa dernière, pour la femme en question.

Ils s'adressent à plusieurs personnes :

- Le philosophe ne veut pas céder sa dernière heure : il est sûr que c'est celle où il va connaître l'énigme de l'univers !

- Le malade qui souffre, veut aussi  la vivre cette heure, car il veut se sentir vivre, et d'ailleurs il a fait quérir un nouveau médecin exceptionnel...

- La centenaire veut aussi vivre sa dernière heure, elle  qui se plaignait que la mort semblait l'oublier (on pense à la Fontaine «  le plus semblable aux mort, meurt le plus à regret »

- Le condamné à mort veut voir l'échafaud, et y marcher encore, voir la foule qui le regarde, revoir une fois encore le ciel ,et fumer son ultime cigarette...

- La femme qui a tant espéré que si elle mourait, ce serait dans les bras de son mari, refuse elle-aussi, et si elle doit mourir,  elle veut subitement vivre sa dernière heure seule, et sans amour.

 

Alors l'amant dit à l'Ange de la mort Moi je veux bien céder une vie tout entière pour vivre encore une heure avec ma femme, et donc j'accepte le marché : perdre ma vie pour qu'elle vive encore une heure avec moi.

 

Cependant la chose ne se produit pas et la femme meurt aussitôt. L'homme se plaint à l'Ange de la mort dont voici la réponse : « pauvre homme ! Crois-tu donc qu'il te soit donné de voir... jusque dans les profondeurs de ton âme, où résident tes véritables desseins ? Lorsque tu me reverras, je te demanderai si c'est moi qui t'ai trompé, ou bien toi-même, sur ton propre compte ! »

 

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29 juillet 2006 6 29 /07 /juillet /2006 12:27
L’Homme sans qualités ( Der Mann ohne Eigenschaften)


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123 chapitre dont 58 achevés.
 
On a interprété ce titre : «  L’Homme disponible », «  L’Homme sans propriétés » et aussi dans une approche psychanalytique «  L’Homme châtré », en tout cas quelque chose désignant la castration.
 
Le récit devait se dérouler sur un an, l’année 1913, et se donne comme un prélude à la Grande Guerre.
 Lieu principal : Vienne, capitale de la Cacanie c’est – à dire de l’Autriche-Hongrie. Autre lieux : en province, la petite ville où est enterré le père d'Ulrich dans la partie II, premiers chapitres.
Des lieux affectionnés par le personnage ; jardins, ponts, rues, jets d’eau.
 
La publication a lieu en 1937, sous le titre « Voyage au bout du possible » qui concerne le tome I.
 En 1933 parait une partie du 2 : « Millenium : le règne des criminels. Ce sont une cinquantaine de chapitres, des fragments, qui sont autant de variations possibles et complètent le tout.
 
Genèse : Musil travaille à L’HSQ depuis la publication de l’Elève Törless en 1906.
Le roman initial devait s’appeler « Les Jumeaux ». Contrairement à  la chronologie du roman tel qu’il nous apparaît, c’est l’épisode de la rencontre entre Ulrich et Agathe qui fut l’idée initiale du récit,  sinon son enjeu.

Musil a écrit un poème « Isis et Osiris » ( cité dans son journal en 1925) sur le thème mythique des rapports entre ces deux divinités, il conte comment la sœur mangea le sexe de son frère endormi. Un poème écrit à la manière des Romantiques allemands, et qui ne nous entraîne pas si loin de « Musil en tant que scientifique », puisqu’il est persuadé que le mythe aide à comprendre la réalité objective. Le poème contient le roman « in nucléo ».
 
Il y a donc à l’origine de L’HSQ un groupe de fantasmes (inceste frère soeur, gémellité, dévoration) dont Musil tire un autre ( l’androgynie)  en s’appuyant sur des mythes. Et qu’il a l’intention de développer.

Cependant, les lecteurs de L’HSQ découvrent apparemment tout à fait autre chose, lorsqu’ils abordent l’œuvre par son commencement.

Même s’ils ignorent la suite, l’intérêt porté à ce fantasme , et l’empathie pour celui -ci, les portent à lire le roman d’un seul trait, parce que ce fantasme pointe sous le premier récit.
 Même s’ils ne partagent pas le penchant de l’auteur, ils prendront goût à leur lecture. L’idée leur plaît de lire un roman philosophique, scientifique, de critique sociale, de mieux comprendre les prémices de la Grande Guerre et la société viennoise proche du pouvoir politique, à travers le récit musilien.
Ils vont aussi découvrir dans cette première partie un autre fantasme musilien : l’homme peut être libre. Celui-là est universellement partagé…
 
L’incipit de L’HSQ introduit le lecteur dans le roman par des considérations météorologiques qui redoublent ironiquement une réalité sociale. Une dépression qui vient de l’est annonce de fortes précipitations pour un avenir proche. Et indique que nous sommes à Vienne .
On ne s’occupe que de célébrer le trentième anniversaire du règne de Guillaume II, le soixante-dixième de l’archiduc François-Joseph, à la veille de sa destruction : l’incipit, fait pour le voyageur, ressemble un peu à celui du « Rouge et le noir ».
 
Le personnage d’Ulrich ( c’est l’homme libre) :  un prénom seul lui suffit. Il a trente-deux ans, mathématicien, il travaille pour lui-même lorsqu’il en a envie. Il a fait trois tentatives pour devenir un grand homme : l’armée, le métier d’ingénieur, et les mathématiques. Puis, ayant remarqué qu’un « cheval génial »  l’avait précédé, il s’est désintéressé.
Il n’est engagé dans aucun projet professionnel ou autre. Connu comme intellectuel bourgeois qui flâne dans le quartier, il fréquente des personnes qui, elles , sont toutes engagées dans un processus et qui sont «  des possibilités » « des incarnations » de ce qu’il aurait pu devenir;  il les tourne quelque peu en dérision, enchanté de ne pas s’être laissé avoir.
Ulrich c’est quelqu’un à qui on ne la joue pas.
 
« Vous envisagez tout sous la forme de l’essai » lui dit Paul Arnheim, chapitre 121 T 2 .
-La vie elle-même est une expérimentation."répond Ulrich.
 
Les amis d'Ulrich n’expérimentent rien, ils se contentent de suivre le programme déjà établi à l’avance du rôle qu’ils ont accepté de jouer.  
 
A  Par exemple, celui d’ un homme politique.
- Le comte Leinsdorf, vieil aristocrate, politicien, qui voit venir la guerre avec fatalisme. Engagé dans un projet «  L’Action Parallèle » destiné à tenir en bride les esprits et raisonner les intérêts . Tous les notables feignent de croire à l’utilité
de ce mouvement dans une monarchie « Impériale et Royale ».
- Le « sous-secrétaire Tuzzi » : politicien rusé que Ulrich appelle ainsi par mépris.
 
B. d'Un homme d’affaire
 -Paul Arnheim : ( On sait que Musil a pris pour modèle Rathenau)
D’abord industriel, il règne sur des usines et l’exploitation de gisements de pétrole en Rhénanie, activement engagé dans un capitalisme typique de l’époque. Mais c’est aussi un homme mondain, et qui a une forte mainmise sur l’édition. Il écrit (et fait écrire…) des romans à succès tous signés de son nom.
Ulrich a une longue conversation avec lui, à la fin de la première partie, se voit proposer un emploi, et refuse de collaborer.
-Léon Fischel, un « banquier relativement honnête ».
 
C. d'un artiste (raté bien sûr…)
-Walter, l’ami d’enfance d’Ulrich, qui n’arrive pas à percer. Ulrich représente Nietszche pour Walter et son amie Clarisse. Il est censé être une force active barbare. Walter serait « l’Homme du Ressentiment » .
  Ces positions sont d'ailleurs réversibles…
 
D. d'un militaire.
Vieux et retraité -Le Général Stumm von Bordwehr.
Ulrich va souvent le rencontrer à la Bibliothèque Nationale. Le Général retraité assure Ulrich, un peu stupéfait, qu’un vrai bibliothécaire ne saurait se laisser aller à lire les livres dont il assure la gestion, sous peine de provoquer un invraisemblable désordre. Stumm est un homme de bon sens, il nous apparaît aussi comme naïf.
-Un militant révolutionnaire jeune et exalté : Hans Sepp.
 
E. d'un hors-la-loi criminel et fou ( Moosbrugger) et d'un psychiatre vicieux : Meingast.
 
L’ouvrage est prolixe de  paradoxes et des pensées monologuées d’Ulrich rapportées au discours indirect libre, véritables dissertations qui ont fait dire que l’HSQ était un essai raté, un essai transformé en roman un essai de roman. Philippe Jaccotet, traducteur de l’œuvre en français,(le seul pour l’instant) a employé ces mots ; puis l’HSQ est devenu selon une formule plus sympathique «  un roman philosophique » . Thomas Mann, contemporain et grand rival de Musil est rangé dans la même catégorie, alors que l’on a dit «  Thomas Mann ne se permet aucun dérapage dans la forme et Musil aucun dans la pensée ».
 
 
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28 avril 2006 5 28 /04 /avril /2006 09:52

Et vous m'aimez  follement mais qu'y a-t-il derrière tout cela ?


 Freud (150 ans  dans quelques mois) est encore assez  frais pour vous en donner une idée.

Il  lit le roman d'un écrivain suédois (Jensen,) et découvre que  l'oeuvre littéraire se construit comme un rêve éveillé.

Nous sommes en 1907, comme si c'était hier.


L'histoire de la " Gradiva" : Norbert Hanold, archéologue, s'est épris d'une jeune fille sculptée sur un bas-relief romain. C'est surtout la démarche de la jeune fille qui l'attire, une façon de poser le pied qui évoque la danse. Il a fait effectuer un moulage de cette oeuvre pour la contempler à tous moments, l'a baptisée " Gradiva » : celle qui s'avance".

Bientôt cela ne suffit plus. Il rêve qu'il rencontre cette jeune femme à Pompéi en août 79, au moment de la terrible éruption du Vésuve. Il la voit s'allonger sur une dalle alors que les poussières et les fumées émanant du volcan vont les ensevelir tous deux.


. Resté sous l'emprise du rêve, il part pour Pompéï , arpente les lieux, ne tarde pas à rencontrer Gradiva, dans " La Maison de Méléagre". Croyant à un fantôme, il ne s'étonne pas que la jeune pompéienne soit semblable à celle du rêve, ni même qu'elle déclare ne parler que l'allemand, et s'appeler Zoé. Progressivement, Zoé lui fait comprendre qu'elle est son amie d'enfance, et qu'il l'a oubliée depuis longtemps, absorbé par ses travaux scientifiques. Pour dissiper le délire, elle l'appelle par son nom : " Je vois que tu es fou Norbert Hanold".


Certains mécanismes psychiques ont déplacé l'intérêt de Norbert sur ce bas-relief romain et cette créature de marbre, mécanismes qui sont ceux qu'utilise l'inconscient pour transformer le contenu latent d'un rêve en contenu manifeste. L'objet qui intéresse réellement le rêveur se déplace sur un autre objet de moindre intérêt mais qui fait encore signe au premier. Le résultat en est le refoulement.


Le déplacement s'opère également par métaphore : l'archéologie représente ainsi la recherche du passé individuel. par l'apparition de négations, par la condensation de plusieurs éléments en un seul, rendant l'objet méconnaissable, par la déconstruction de la chaîne des liaisons qui peuvent faire remonter l'archéologue de la vision d'un mouvement de danse sur une sculpture à une fillette avec qui il jouait autrefois


En analysant le rêve d'angoisse de Norbert Hanold, Freud s'aperçoit que le fait de s'imaginer pompéien comme l'objet aimé témoigne d'une tentative de rapprochement mais que la conséquence du rêve : partir à Pompéi l'éloigne de l'objet d'amour. Car Zoé habite toujours dans la même rue que lui à Vienne. L'éruption et l'ensevelissement rendent compte du refoulement, du moment supposé où Norbert,( pour des raisons que l'auteur nous laisse ignorer souligne Freud) a nié l'existence de la jeune fille aimée, ne la laissant subsister que dans ses pensées inconscientes.


Le désir inconscient lutte pour se faire reconnaître : il apparaît sous la forme d'une oeuvre d'art, qui rappelle l'objet aimé, il la rend vivante dans le rêve, et il montre son caractère sexuel : Gradiva s'allonge souplement et calmement sur la dalle, au moment de l'éruption volcanique, alors qu'elle devrait s'enfuir....


L'histoire de Jensen se termine de façon romanesque : grâce à la jeune fille ; l'archéologue abandonne son délire et l'épouse. La jeune fille joue le rôle de l'analyste mais c'est par amour pour le patient. Elle se dédouble, consciente d'être le véritable objet d'amour.

 Ce serait, dit Freud, impossible dans la réalité. Si l'analyste aide le patient à retrouver l'objet et la cause de son désir débarrassé de ce qui le rendait méconnaissable, ce n'est pas pour autant que le patient va pouvoir réaliser ce désir. L'analyste n'est pas Zoé ; au moment du dénouement, il s'effacerait, et Norbert, dans le meilleur des cas, retournerait à son hôtel et commencerait à y regarder les jeunes filles, tout en continuant à se passionner pour les sculptures féminines, sachant les apprécier comme des oeuvres d'art.


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