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12 septembre 2006 2 12 /09 /septembre /2006 09:23

Cinquième film que j'ai choisi pour représenter vivre-sa-vie.jpg la condition féminine.

« La prostitution sera aussi un des grands sujets du cinéma de Godard, depuis Vivre sa vie, avec Deux ou trois choses que je sais d’elle et Sauve qui peut (la vie), dans des registres à chaque fois différents, mais toujours choisi avec la conviction que la prostitution, vue du côté de la prostituée, est la bonne surface d’observation, l’analyseur de toute situation sociale. Ce qui intéresse Godard, dans la prostitution, c’est le moment où une femme comme les autres est amenée, dans certaines conditions, à se prostituer, le moment du passage où elle est encore celle d’avant tout en étant déjà différente (…) Alain Bergala

 

Et, pourrait-on ajouter, si Godard a tant parlé de prostitution dans ses filsm c'est que pour lui, les raltions humaines sont de la prostitution : évoluer dans la société, c'est se vendre, plus ou moins bien, avec plus ou moins de dégâts, et peu de plaisir. le " le vieux métier du monde" explicite bien cette manière de voir qui est à mon sens absolument juste.

 

L'histoire : C'est simple ; Nana a un ami dont elle ne veut plus, un enfant qui vit chez les grands parents, des jobs où on l'exploite sans lui donner un vrai salaire, un loyer qu'elle ne peut plus payer. Elle va "expliciter" sa situation, en  se prostituant, et vivre en peu de temps ce qu'elle aurait subi de façon édulcorée  jusqu'à un âge avancé.


.Avec le style  particulier de Godard.


 

1) Dialogue de couple dans un café : Nana (Anna Karina) et son ami Paul. On la voit de dos et lui  est hors champs. Dans la salle un type écoute sans rien dire. Nana fait face : on les entend parler à voix basse de leur  enfant  gardé par quelqu’un, des essais ratés de Paul dans le journalisme, et un peu plu fort  elle dit  qu’elle ne a marre d’être vissée : adieu Paul je vais vivre.

Gros plan sur le baby foot.

Nana raconte une histoire concernant une poule «  si on lui retire l’extérieur, on ne peut lui retirer l’intérieur ».

2) Nana vend des disques dans un magasin.

. Elle rentre chez elle se fait houspiller par la logeuse il manque 2000 francs  ( gros plan sur le chiffre) pour le loyer. Elle rencontre un type en sortant ; un dragueur. Lui explique

Je suis sans logis à présent.

3) Ils vont au cinéma et assistent à « La Passion de Jeanne d’Arc » de Dreyer. Jeanne à l’air ovin. Artaud est sublime et sarcastique. Nana comprend sa vocation.

4) Le café : le dragueur vient de sortir de son alfa Roméo et lui propose de l’argent pour poser nue, puis faire l’amour. Elle répond je ne veux pas être « une star sur le zinc ».

5) Nana est au commissariat : elle a volé de l’argent pour payer le loyer et a du le rendre. Elle raconte qu’elle a saisi le porte-monnaie tombé de la poche d’une dame, mais que celle-ci s’en est aperçue.  Elle décline son identité : un patronyme alsacien sa date de naissance : 15 avril 1940 correspond sans doute  à celle de l’actrice (22 ans).  L’employé de police lui donne des conseils qu’on n’entend pas. Le visage est dans l’ombre.

6) Elle marche lentement dans la rue (elle a pris une décision).

La voilà avec le souteneur décidée à accepter d’être pute : préparatifs normaux. Le premier homme. Savon, toilette, le fric apparaît, qu’elle guettait. Le pantalon tombe, le vêtement est très ample. A cette première passe, elle se défend et le client la rudoie.

Elle peine à supporter la chose 

7) Nana rencontre une copine, Yvette,  également devenue prostituée qui lui raconte son histoire (son copain l’avait poussée dehors, elle poinçonnait les tickets dans le métro  c’était pas une vie.…).

8) Café : elle retrouve Paul, son ami : mariée, c’est être l’esclave d’un seul. Le progrès, sans doute. Elle récite une tirade : « on est toujours responsable «  et continue en disant le contraire ; embarrassée de ce qu’elle ne peut s’exprimer, elle énonce le principe d’identité. A= A, la vie c’est la vie,  pour tout et on n’a qu’à aimer ça. C’est ce qu’on dit quand on ne sait plus quoi dire.

On entend une chanson mouloudjiste qui prend le relais

Un client au long nez et entourloupé dans un cache-nez  passe et repasse devant le baby-foot.

Paul et Nana  se querellent.  le client y prend part. Puis on entend des coups de feu.

9) Le café : Nana cherche une nouvelle place de prostituée : elle fait une lettre à laquelle  elle joint un curriculum vitae. Gros plan.

Revoilà le client évincé par Paul. Il se présente : Raoul. Regarde sa photo et lui dit qu’elle a de la bonté dans le regard. Offre de la prendre sous sa protection. Ça ne lui plaît pas .Étant donné qu’après tout c’est un souteneur et elle n’aime pas être pute. Elle lui dit qu’il est trop « catholique »

Enfin il devient tout de même son mac. «  C’est à l’heure où les lumières s’allument que commence la ronde sans espoir des filles de la nuit »

10) Vie de Nana en prostituée. Elle a ses règles. Une passe. Le coucher…. Courtes séquences prosaïques. L’hôtel de passe : Nous voyons des femmes nues de dos surtout et en peignoir. Teints granulés, peau accidentée, beaucoup de verrues, silhouettes laides.

Elle est un peu plus assurée ; c’est son travail à présent. Clients banals peu entreprenants «  le bonheur n’est pas gai ».

Enoncé en voix off des lois qui règlent la prostitution. Fichier sanitaire.

11) Café : Nana s’assoit près d’un philosophe (Brice Parain) dont on voit surtout la grande oreille verrue : elle l’avait d’abor pris pour un client et l’oreille la rebutait ; elle a une dissertation à la place d’un coït. Il lui  dit, par exemple, que la première fois qu’il a pensé il a failli en mourir. Parfois il se demande comment il est possible de mettre un pied devant l’autre. Alors il ne peut plus avancer.  Elle lui dit, elle, que quelquefois elle n’arrive pas à parler.

Il dit : «  c’est le signe qu’on va penser longue conversation sur le langage et la difficulté d’expression. Les mots devraient expliquer exactement ce que l’on veut dire. Les mots nous trahissent et nous les trahissons. Pour penser il faut parler et communiquer. Quand on parle c’est une autre vie ; il faut avoir passé  par la vie sans parler pour le savoir. Bien parler : regarder la vie avec détachement. On balance du silence à la parole. Peu de différence netre le mensonge subtil  et l’erreur. Nana veut parler de l’amour. Peut-on rechercher l’amour ? Le philosophe répond qu’on ne peut s’y soustraire. C’est la servitude de la vie. 

Ce passage recèle une annonce de la mort de Nana.

Un jeune homme accoste Nana près du billard. Il lui lit le « Portrait ovale » de Poe. C’est une sorte de déclaration d’amour funeste. Dans le Portrait ovale, un peintre raconte à un ami qui s’extasie devant un tableau de lui.  Qu’il avait  fait poser sa femme pour sa grande œuvre : un portrait d’elle. Qu’elle dépérissait tous les jours un peu plus. Et qu’elle en est morte alors que le Portrait prenait vie que l’œuvre naissait. 

Pré/figuration de sa mort.

12) Fin : Nana a été vendue par Raoul  à  ce nouveau souteneur, un confrère. (La lettre et le cv c’était pour lui faire croire qu’elle faisait une démarche personnelle).  Le confrère ne veut pas de la somme qu’on lui propose, c’est trop peu, et tente de reprendre la fille. Le second ne veut pas la lâcher. Un troisième s’en mêle et ils se tirent dessus. Nana est abattue dans la fusillade.

L’histoire est diaboliquement juste. Nana est tenue de se prostituer parce  que son travail  ne lui permet pas de se loger. Elle a assez de personnalité pour vouloir la liberté mais pas les moyens économiques. Le film sur Jeanne d’Arc lui montre comment elle finira. Sous les coups d’un feu bien plus expéditif.

Au lieu de liberté elle trouve l’esclavage, les clients, le mac, puis bientôt deux qui se l’arrachent et la suppriment par inadvertance. Marché des esclaves = marché des femmes. Elle n’aura compté pour personne  aura été un instant l’interlocutrice de l’homme à l’oreille verrue, le philosophe.

 

 

 

 

 

 

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