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9 mars 2007 5 09 /03 /mars /2007 12:48

La-T--l--vision.jpgLa Minuit Touch (l’expression est de Pierre Assouline) : ce sont les ouvrages de fiction publié chez Minuit par des romanciers qui s’inspirent de leurs aînés du Nouveau Roman.

C’est un genre un peu particulier, difficile à cerner. On y trouve le pire comme le meilleur…

 

Jean-Philippe Toussaint publie encore à Minuit. Il fut longtemps à la collection d’ouvrages de fiction ce que Pierre Bayard est encore à la collection « Paradoxe ».

Son meilleur livre me semble être "La Télévision".

Les éditions de Minuit ne proposent pas d'image de couverture. Mais les allemands ont fait un choix différent ...
 

   La première de couverture annonce un roman ; Cela ressemble à un journal intime désintimé ou à des notes réaménagées sans souci de faire un récit. De petites narrations, qui ne se rapportent à aucun fil conducteur aucun noyau dur.

On y décèle pourtant une réflexion générale sur l’image, la représentation visuelle( pas seulement celle de la TV), l’imago, et même le « scopique » soit l’observation, tout ce qui implique de regarder et d’examiner.D’être regardé, de voir ou d’être vu.

Ainsi le narrateur, faux naïf, s’exhibe devant le lecteur, indiquant qu’il est toujours à un moment donné en train de s’habiller ou de se déshabiller, à poile, en train de faire l’amour, (il en indique la façon) de se masturber ( devant la TV, toujours ! que faire d’autre devant la TV ??) Il insiste sur ses parties génitales ; se servant d’un certain nombre de termes familiers ( «  boutique » mot délicieusement désuet pour l’organe mâle très en faveur dans les années 60 pour désigner le pénis des garçonnets).

Nous avons aussi la description de sa calvitie le « duvet de caneton », de son pyjama … tout cela n’est jamais érotique, toujours très ironique, humoristique à l’occasion. Certaines scènes s’inspirent de Chaplin ou Buster Keaton, entraînant le fou rire du lecteur : le narrateur était censé arroser les plantes de ses voisins partis en vacances ; malgré la grande chaleur il n’en a rien fait : il se rend compte qu’il aurait souhaité être payé pour cela.

Il se contente de regarder la TV chez les voisins puisqu’il a décidé de ne plus la regarder chez lui...

J'oubliais ! il semble que la tension dramatique  dans  ce livre  découle de  multiples  tentatives de ne plus regarder la TV pour se consacrer à des tâches plus sérieuses.

Peu avant leur retour, les plantes étant desséchées, il essaie d’en rattraper une ( décrite comme un sexe féminin) en la mettant au frigo. Au retour des propriétaires le narrateur  tente de  sortir incognito la plante du frigo, allant même jusqu’à s’enfermer dans les toilettes avec son butin et  s’en évader   par la fenêtre pour regagner celle de la cuisine en face… : c’est l’épisode le plus réussi du livre.

Un autre épisode assez bien venu s’inspire également du cinéma comique : un Monsieur s’assoit sur son sandwich dans la salle des Dürer au musée Dahlem.

 JPT s’amuse à rappeler ses ouvrages précédents :

La « Salle de bain » :   on y décortique un poulpe … (oui dans la Salle de bain, je veux dire la cuisine de la salle de bain, évidemment), et ici (dans la TV) un oursin, d’une façon très similaire.

La Réticence (roman noir de JPT publié en 1996, injustement oublié) : Lorsque ici ( dans la TV) on  aperçoit un faux malfaiteur «  qui porte un prétendu cadavre dans l’escalier à minuit et demie », le narrateur voit son ex-persécuteur (de la Réticence) monter dans une voiture et parler à un type  «  à qui il a fait peur ». Le «  cadavre » était un poste de TV. Ce livre-ci apparaît comme l’envers de la Réticence qui le précédait : loin de se laisser fasciner par un scénario « noir » le narrateur se plaît dans des scènes ouvertement comiques.

 

Nous sommes à Berlin (j’oubliais !)où le narrateur  s’isole pour écrire un ouvrage sur Titien Vercelli (Initials TV).

Cesse-t'il  de regarder la TV pour se consacrer à ces nobles réalisations picturales du quattrocento ?

Non, pas vraiment !

Il ramène  cette anecdote à quoi l’on a droit chaque fois qu’on lit un ouvrage sur l’art : le pinceau du Titien ramassé par Charles quint venu surveiller la progression du tableau qu’il a commandé au peintre. Mince ! Encore cette anecdote ! Et pire encore, le narrateur veut intituler son œuvre future «  l’art et la politique au seizième siècle »

Il  formule des hypothèses sur  ce que  la célèbre anecdote peut signifier : 1) le Titien a laissé tomber le pinceau de surprise de voir le souverain arriver dans on atelier. 2) il l’a fait exprès par mépris pour voir la réaction de l’autre, s’il s’abaisserait à le ramasser … etc.  dans  tous les cas le conflit entre l'art et la politique est serré.

 Le pinceau est décrit comme un objet phallique avec une insistance un peu outrancière comme si le lecteur n’aurait pas compris les allusions discrètes. C’est la seule critique que l’on puisse faire à un ouvrage réjouissant, sympathique, et  où l’on pose de bonnes questions.

C’était la télévision d’il y a dix ans.

 Le livre a été publié en 1997.

 Aujourd’hui, il n’y a plus ni pinceau ni toile. Il y a sans doute deux personnages dans une sorte d’atelier mais qui est Titien qui est Charles, on ne sait pas, et ils bavardent à n’en plus finir, sous les projecteurs.

Jean-Philippe Toussaint a publié «  Fuir «  et on dit que ce n’est pas drôle du tout.

 
 
 
 
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