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26 août 2006 6 26 /08 /août /2006 14:26

 

Résumés des chapitre précédents. Peut-être étiez-vous impatients de savoir ce que Guillaume était devenu? Hélas pour lui, il est parti avec son ami Mathieu un vrai bonnet de nuit! Voyez de quelle façon il s'en accommode... 

 

 

" Veux-tu qu'on s’initie à la voile? Mais ça nous coûterait assez cher, morbleu! »

 

Avant que Guillaume n'ait réellement annulé cette proposition, Mathieu intervint :

- N… non. Je ne pourrais pas supporter de bateau. Sur… s'il n'est pas grand. Surtout si. Enfermé sur le pont, encerclé de tous côtés par la mer !

- Tu souffres du mal de mer?

-Pas du tout. Je souffre du huis clos. Je sais pire que le roulis et le tangage. Tu es sur un bateau, une petite surface limitée. Tu dois te tenir tranquille, accomplir des gestes précis que tu n'as pas choisis. Tu ne peux pas remuer comme bon te semble. Tu ne peux pas t'éloigner. Tu veux t’enfuir ? T'es coincé. Où que tu veuille aller, l'eau est là, partout, la salope, elle t’entoure, elle te cerne, elle te clôt.

- Au fait, je ne peux me baigner dans la mer se rappela Guillaume, c'est trop froid, ça me coupe le souffle. Alors pas de voile. Juste une courte traversée pour aller dans une ’île : laquelle préfères-tu ? What ? Ouate ?.

- Le bateau, … je viens de te dire… es-tu sourd ? J’ai le vertige...

-Le vertige?

 

 

Ils étaient debout en sandales sur l'herbe grillée, environnés par la stridence des criquets. Une toile de tente à demi déroulée s’étalait sur le sol et de ci de là des tubes métalliques de grandeurs diverses qui devaient s'emboîter les uns dans les autres. Du Diable si j'y comprends quelque chose, disait Guillaume, perplexe. Il étudiait le mode d'emploi, les schémas de montage en proposant des activités réalisables dans  cette station balnéaire fréquentée, sur la presqu'île.

 

« Le cinéma, tu veux bien ? Le tennis de table, J’adore. Le golf miniature ! Pourquoi pas ? Quimper, le quartier médiéval, la rue Ravignan. Le Musée des Beaux-Arts. Pas d’étoile, on s'en fiche. Il y a quelques Boudin. Ça passe le temps. Tu m'écoutes? »

 

Ils venaient d'arriver sur la côte: ce devait être assez frais d'habitude, venté, voire pluvieux, mais cet été-là un soleil de plomb rayonnait sur le pays. Une chaleur écrasante, utérine.

 

Même à Paris, pour les épreuves du bac français, ils s’étaient sentis gluants et poisseux, le stylo glissant des doigts.

" Vous voilà quasi bacheliers, avait dit Eve, l'ironie tranquille, le sourire impitoyable, le débit onctueux. le mot ne vous semble t'il pas un peu trop lourd, un peu chuintant pour ce qu'il représente?"

Ils avaient traîné une quinzaine d’années à l’école pour ânonner quelques borborygmes convenus sur Phèdre et L’Assommoir !

 

 

Secoué de frissons, claquant des dents, Mathieu s’assit en tournant le dos à son ami, les bras serrés autour de ses jambes pliées contre son corps.

« Tu devrais aller chez le toubib, lui lança Guillaume impatienté mais pragmatique. Attraper la crève par une chaleur pareille, ça ne se fait pas!"

 

Avant le départ, Mathieu avait reçu  quatre cent francs de sa mère et Guillaume deux fois plus, qu'ils avaient mis en commun. Cette situation financière n’autorisait que le camping, estimait Guillaume, et Mathieu, dépourvu d’idée quant au prix de la vie n'avait pu qu'obtempérer. Il savait ce que coûtaient les livres de poche, les trente-trois tours, les cigarettes, le cinéma, certains actes de rébellion, quelques consommations au café, les agendas de textes et les bics : c'était tout.

Guillaume avait des notions d ‘économie plus variées . Même pour trouver le meilleur endroit où dormir à la belle étoile, les lieux adéquats pour faire les grosses et petites commissions avec un peu d'aisance, il semblait que la décision dût toujours lui appartenir.

Voilà que Guillaume lui rendait la vie amère, détestable, le réduisait à néant.

Pas lui tout de même!

 

La pratique quotidienne de l'auto-stop les avait gênés. Sur le bord de la route ils lisaient, dessinaient, discutaient, fumaient, cassaient la croûte et négligeaient de faire signe aux véhicules. Ce geste paraissait à Mathieu racoleur et à Guillaume tout simplement bête. La plupart du temps, ils ne pouvaient s’y résoudre, un peu surpris de cette inhibition imprévue.

Avant le départ, ils s’enthousiasmaient à l’idée d’une existence errante, libre, d’un nomadisme supposé fécond pour la pensée. Et puis- très vite- ils maudirent les talus, les fossés, les carrefours toujours recommencés…. Jamais de toute leur vie, ils n’avaient contemplé autant de panneau publicitaire, même en attendant le métro.

Guillaume dessinait comme on respire, remplissait son carnet de croquis, et gardait de mystérieux contacts avec l’entourage..

 

Il s'était acheté " Sur la route", de Kerouac, afin de savoir comment on s'y prenait pour aimer cette vie.

Mathieu lisait " Robinson", un nouveau Robinson, le roman de Michel Tournier, qu'il avait emprunté à la bibliothèque.

Mathieu n’aimait pas Kerouac : ces étudiants qui n’étudient pas, ces petits délinquants de pacotille qui s’ennuient, se font des grimaces, se droguent, baisouillent mollement sans jamais savoir avec qui ! Et croient vivre des moments sublimes, dans leur pitoyable misère !

-Bah, lui avait rétorqué Guillaume, un peu surpris d’un tel discours. Tu deviens d’un vertueux !

-Mathieu avait haussé les épaules : tu n’aimerais pas cette vie là !

-Sans doute! Et cela m ‘empêche-t-il de les accompagner ? » Il savait s’identifier à n’importe quel idiot de personnage, porté par on ne sait quel chant secret.

 

Mathieu voulait qu’un livre soit soutenu par une pensée…


 

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